« Le journal d’Anne-France » est un petit bijou de Romain Guérin. Un roman court, nerveux, inspiré, original et classique, actuel et intemporel. Il s’agit de l’autobiographie fictive d’Anne-France (retrouvée morte chez elle devant son ordinateur, ouvert sur cette autobiographie, magistrale mise en scène d’introduction au passage). Au travers de cette femme, morte seule et démunie, c’est toute l’histoire du 20ème siècle, de ses transformations et de ses drames que l’auteur raconte, par petits morceaux, comme un kaléidoscope. Anne-France, qui termine sa vie seule, a eu une magnifique histoire d’amour éphémère avec celui qui sera le père de son fils unique, lequel meurt au final pendant la guerre d’Algérie.
J’ai piqué l’image qui illustre l’article sur l’excellente chaîne TVLibertés, qui a interviewé Romain Guérin à propos de ce livre justement.
Créativité et romantisme
Le ton du livre est très original, car il mêle un style classique, un regard plutôt moderne et un rythme enlevé. J’ai beaucoup aimé les morceaux de poèmes qui sont présent un peu partout dans le texte (car Anne-France est passionnée de poésie), et les citations qui traînent partout également. Le petit carnet qu’Anne-France retrouve, contenant des notes, aphorismes, poèmes et graphismes de son mari est également plein de créativité, et bouscule les codes de la mise en page.
Ce sont deux magnifiques histoires d’amour que nous livre Romain Guérin, et elles sont bouleversantes. L’une est celle d’un couple improbable, d’une vendeuse poète et d’un rebelle timide, amour fou, tragique, passionné et absolu. Et l’autre est l’histoire d’amour d’Anne-France, et de l’auteur, pour une France qui disparait peu à peu sous la violence, le mensonge, le manque de liens sociaux et d’héroïsme. Anne-France, symbole d’une France déclassée, populaire sans être dénuée de culture, réduite à la pauvreté la plus crue, abandonnée, écrit son journal, avant de mourir, pour ne pas perdre la raison, et continuer à trouver un sens à une existence devenue tristement solitaire.
J’ai été très touché par l’histoire et les personnages, plus vrais que nature, tout en étant très originaux. Cette histoire tragique, belle comme un poème, terrible, rend un très bel hommage à tous les oubliés, à tous les petits, à ceux enfin qui gardent du bon sens, et le sens de l’honneur, malgré le rouleau compresseur des progressistes devenus fous d’hybris, et brisant toutes les limites. Un auteur à découvrir, vraiment.
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