Germain Louvet, danseur étoile de l’Opéra National de Paris depuis fin 2016, signe avec « Des choses qui se dansent » un petit livre autobiographique facile à lire, plutôt bien écrit, et qui donne un éclairage de l’intérieur sur la vie étrange et dure des danseurs professionnels.
Parcours de combattants
J’ai trouvé ce livre très agréable à lire (merci à mon ami Jean-Marc pour la suggestion), et son côté narcissique est compensé par l’humilité de son auteur. Le ton frais et sincère touche et rend l’ouvrage simple et lucide à la fois. On peut découvrir au long des pages la vie difficile des petits danseurs et danseuses : soumis à une très rude discipline dès leur jeune âge, souvent éloignés de leur famille, ils ont succession d’épreuve de sélection très exigeantes à franchir avant de parvenir à transformer leur passion en métier. Ce parcours est d’autant plus difficile que le travail seul ne compte pas : les critères esthétiques corporels de sélection sont très sélectifs, et certains échouent non par faute de talent, mais par un écart trop grands avec les canons de beauté et d’élégance de ce milieu. Le parcours est difficile aussi car l’accomplissement s’accompagne d’une plus grande solitude. La description de cette solitude dans sa loge de danseur étoile, où il n’est plus avec sa bande de copains comme avant, est très belle.
Jeune esprit bien fait
Germain Louvet décrit très bien son rapport à la danse, passion vive née dans sa très jeune enfance. Instinctive et réfléchie à la fois, son approche n’est pas dénuée de quelques poncifs de notre époque (lutte contre le blackface, et contre des discriminations plus ou moins réelles). Je vois cela comme un signe de sa jeunesse (il n’a pas de raison d’être moins endoctriné que son époque), plus que d’un manque de réflexion : à plusieurs reprises, j’ai été positivement surpris par la qualité des questions qu’il se pose, articulant sans peine des tensions entre des opposés, et laissant la question ouverte.
Il est surprenant, d’ailleurs, de le voir se débattre avec ces ridicules questions de réécriture de bouts d’oeuvres (pour les rendre conforme à la doxa du moment), alors qu’il a lui-même trouvé une clef à un autre endroit du livre, pour réussir à interpréter avec joie des rôles dont les personnages sont à l’opposé ou très différents de ce qu’il est.
A nouveau, fruit de son époque, Germain Louvet pense qu’il doit exprimer sa propre personne et que l’art est une forme d’expression de soi. C’est une option à nuancer, je trouve. On peut considérer, au contraire, à l’instar des anciens, que l’artiste est plutôt un vecteur à travers lequel quelque chose d’autre s’exprime et qui le transcende. Mais c’est une autre discussion.
Ce livre était-il utile ? Oui, car il donne un éclairage très intéressant sur un univers peu connu. Germain Louvet est quelqu’un de sensible et intelligent, attachant, probablement un peu égocentrique, mais exigeant et brillant.
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