Ayn Rand, romancière, philosophe et scénariste (auteur du fameux Atlas Shrugged) a explicité sa position philosophique dans un ensemble d’articles, regroupés dans un livre « La vertu d’égoïsme ».
Electrochoc moral contre la logique de sacrifice
Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’Ayn Rand ne tourne pas en louvoyant autour du pot. Elle attaque directement à la racine conceptuelle de ce qu’est l’éthique. L’éthique objectiviste qu’elle met en avant est en opposition avec l’éthique altruiste. Dans l’éthique altruiste, elle regroupe 3 écoles (mystique, social, subjective) qui ressortent in fine de la même logique c’est-à -dire qu’elles considèrent l’homme comme un animal sacrificiel.
En regard de ces éthiques morbides qu’elle dénoncent, Ayn Rand a précisé quelques pages plus haut que l’éthique objectiviste qu’elle propose, basée sur la vie et la raison. Elle reprend à son compte la doctrine des Droits Naturels, et défend au contraire un égoïsme rationnel qui n’est pas, comme le précise Alain Laurent dans la préface, « n’importe quel égoïsme, en en particulier l’égoïsme dans acception mesquine et triviale, qui procède d’émotions primaires claquemurant l’individu dans de sordides calculs utilitaires et machiaveliens. (…) dans ses Principes de morale Hebert Spencer remarquait « qu’une égoïsme rationnel, bien loin d’impliquer une nature humaine plus égoïste, est compatible avec une nature humaine moins égoïste » car il met « en lumière les droits des autres » ».
On retrouve là des basiques, présent dans la règle d’or.
Sincèrement, ce livre est un petit bijou. Ramassé, précis, intransigeant, il est le contrepoint idéal du roman La grève. Dans le roman, Ayn Rand, longuement, détaillait les conséquences de ces éthiques altruiste qu’elle dénonce, avec un éclairage politique et social. Dans La vertu d’égoïsme, on découvre le versant éthique et philosophique, sans fioriture. Il y a énormément à dire de ce texte, et je sais déjà que le relirai, et qu’une partie des pages finira dans ma collection de citations. J’aimerais que mes concitoyens lisent et réfléchissent à cela. Il y a certainement de bonnes objections à ce texte, mais il faudra être armé pour cela, car il est pur et dur comme un diamant, réaliste, et rationnel.
Rappel à l’ordre
Après la lecture de Nemo, revenant sur les liens philosophiques entre libéralisme et christianisme, on pourrait objecter qu’Ayn Rand tombe dans le travers décrit par le penseur français : prendre la liberté comme un fin en soi, et donc être dans un libéralisme superficiel (d’après Nemo, qui justement se réclame d’une éthique partiellement sacrificielle). C’est probablement en partie vrai. A titre personnel, je le pense pas, et cela me permet de préciser en quoi cette distinction de Nemo n’était pas tout à fait juste à mes yeux. Ces 3 versions du libéralisme (la liberté comme fin en soi, la liberté pour le progrès, la liberté pour la charité) ne sont pas exclusives, ou hiérarchisées, mais additives et représentent à mon sens trois faces d’une même vérité. Quelle charité, quel progrès, si la vie de l’homme n’est pas le « fondement de toute valeur et sa propre vie comme le but éthique de chaque individu » ?
Loin d’y voir une opposition entre une visée éthique de combat contre le mal (charité) et une visée éthique de liberté (la liberté comme fin en soi), je pense qu’il est possible d’articuler les deux. L’objectivisme est simplement la condition du reste. Il n’y pas à hiérarchiser comme le fait Nemo. Comment combattre le mal si on ne commence pas à le combattre en soi ? Ce que nous dit Ayn Rand, c’est que combattre le mal en soi, c’est commencer par admettre qu’une pensée juste et vraie ne saurait légitimer la négation du droit de certains pour justifier une fin supposée supérieure…
Est-ce que cela résonne avec certains sujets actuel pour vous ?
Charité bien ordonnée commence par soi-même.
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