Le christianisme est vrai
C’est un livre fascinant que « La belle mort de l’athéisme moderne » de Philippe Nemo. Il regroupe 7 articles que Philippe Nemo a cru bon de réunir en un recueil pour une raison simple, explicitée dans l’avant propos : « ils font l’hypothèse que le christianisme est vrai. »
La charité est définie plus loin dans le livre par Nemo : « l’énergie spirituelle qui permet de s’atteler à tous les chantiers susceptibles de diminuer l’emprise du mal sur le monde et les souffrances des hommes. »
Beaucoup de choses passionnantes dans le livre, sur le Mal, sur la révolution éthique et eschatologique qu’a représenté le christianisme. L’éclairage du Livre de Job est superbe, et le passage sur la hiérarchie des transcendentaux également. J’ai retrouvé certains des thèmes développés par Philippe Nemo dans « Qu’est-ce que l’Occident?« . C’est de cela dont il s’agit, d’ailleurs : plus qu’une promotion du christianisme, c’est un appel à la prolongation de celui-ci, par une ré-appropriation, une interprétation actualisée, permettant une transmission de son essence. Un travail sur l’identité de l’Occident chrétien. Un chapitre résonne avec le bel essai de Weiler (« L’Europe chrétienne ? » sur les racines chrétiennes de l’Europe : Nemo ne mâche pas ses mots et considère qu’en plus d’être une « erreur historique massive », le fait de ne pas mentionner les racines chrétiennes dans la Constitution européenne est une forme de « négationnisme » (« un révisionnisme antichrétien ») car cela revient à « jeter un interdit sur l’identité d’une communauté, à nier son âme et à compromettre son avenir ». Je suis d’accord avec lui.
Les 3 libéralismes
Le chapitre 5 sur les rapports entre libéralisme et christianisme m’a passionné. C’est le texte d’une conférence donnée à Turin, et que j’avais déjà lue il y a longtemps (sans l’avoir plus remarquée que cela, car elle figurait parmi des textes très nombreux dans un livre en hommage à Pascal Salin, « L’homme libre »). Comme quoi, il fait bon relire son Nemo, de temps en temps. L’auteur y montre à quel point l’éthique du christianisme est au fondement et a accompagné tout le développement de la philosophie libérale (ce sont les 4 thèses développées par Nemo dans ce chapitre):
- c’est l’éthique biblique qui a apporté au monde la liberté ontologique fondamentale d’où découlent toutes les autres libertés ;
- le faillibilisme chrétien a joué un rôle-clef dans la genèse du libéralisme intellectuel et de la science moderne ;
- l’éthique chrétienne a joué un rôle non moins important dans genèse du libéralisme économique ;
- si christianisme et libéralisme semblent, à certains égards, incompatibles et, à d’autres égards, intimement liés, cette contradiction apparente est due à ce qu’il y a plusieurs niveaux de libéralismes dont seuls les plus superficiels sont ou paraissent antichrétiens.
Nemo distingue en fin de chapitre entre 3 niveaux de libéralisme, qu’il hiérarchise moralement par ordre croissant d’importance : la liberté pour elle-même, la liberté pour le progrès, la liberté pour la charité. C’est passionnant, stimulant, et il termine en citant Benjamin Constant, que je n’ai pas lu, et que je vais devoir lire.
Questions
Bref : un livre passionnant, riche et d’une grande densité. A lire sans modération. Le seul point qui m’interroge, c’est que si Nemo définit précisément la charité, ou l’âme, il ne définit jamais le terme « Dieu ». Cela rejoint les propos d’Adin Steinsaltz dans « Mots Simples » : si le mot Dieu n’est qu’une béquille pour l’intelligence humaine, n’est-ce pas aussi un des axes de travail du christianisme que de réformer et repenser, dans sa manière d’apporter son message, l’utilisation de ce terme équivoque qui brouille, je pense, la compréhension que l’on peut en avoir ? Qu’est-ce qu’une éthique qui prend comme point focal la volonté d’un être jamais défini ? Et si l’éthique nécessite un saut philosophique, un acte de foi, ne faudrait-il pas mieux expliciter cette foi, ce qui me semble possible sans passer par Dieu ?
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