Des lois de censure
Philippe Nemo, grand intellectuel français (auteur du magnifique « Qu’est-ce que l’Occident?« ), a signé ce petit livre en 2011. Je l’avais loupé (ce qui n’est pas le cas de tout le monde). Il est extraordinaire de concision, de clarté et de force. C’est un éloge de la liberté d’expression, et une démonstration sans appel des raisons qui doivent conduire à abroger les lois Pleven, Gayssot et autres lois dites « mémorielles ».
En tant que libéral, et héritier de la meilleure part des Lumières (l’esprit de rationalité, le pluralisme et l’esprit critique), Nemo constate que la liberté d’expression a reculé en France, et il analyse cette situation.
Elle a reculé à cause de lois de censures : des lois qui, sous-couvert d’interdire des propos attisant la haine, ont introduit des ruptures inédites, et graves, dans le droit. Elles permettent en effet de condamner les gens pour leurs opinions, et en outre, deuxième rupture, elles ouvrent la voie à des plaintes qui ne sont pas portées par les victimes ou le ministère public.
Conséquences : archaïsme
Ce grave détournement de l’esprit du droit conduit à une insécurité juridique pour tous ceux qui prennent la parole en public, et à une perversion du métier de juge, lesquels se retrouve à faire un travail de tri idéologique et non juridique.
Il conduit également à une diminution de la qualité des débats sur un grand-nombre de sujets, qui sont devenus, peu à peu, tabou. C’est bien là la conséquence la plus grave de cette liberté d’expression endommagée : sans libre concurrence entre les idées, sans débats critiques, basés sur des arguments, la société française se recroqueville peu à peu dans des logiques archaïques, non plus basé sur la raison, mais sur des logiques de pur et d’impur. Il y a des sujets à éviter, et d’autres que l’on peut aborder sereinement. On retrouve là le politiquement correct, et la frontière de respectabilité sociale pensée par Bock-Côté.
Une autre conséquence :
Il suffit de se repasser le film de la crise COVID pour voir que ces logiques ont joué à plein régime.
Nemo donne de nombreux exemples concrets et pratiques de cette dérive collective (par exemple l’affaire Vanneste, et l’affaire Gougenheim).
Urgent retour à la raison
Faisant le constat simple mais indispensable que la plupart des opinions, projets politiques, pensées, nécessitent d’une manière ou d’une autre de discriminer (voir mon Eloge de la discrimination), Philippe Nemo appelle à un vraie liberté de débat, sans censure.
Or les problèmes, en tous domaines, ne peuvent être réglés s’ils ne sont pas d’abord posés. Si donc la généralisation des tabous et des interdits en France empêche que les plus importants des problèmes de société y soient explicitement posés, il ne faut pas espérer qu’ils soient dûment traités et, en définitive, réglés. La gouvernance du pays subit, de ce fait, un grave déficit.
Il existe des solutions aux problèmes graves qui se posent à notre pays. Toute société peut sortir de tout mauvais pas ; pour les sociétés, il n’y a pas de décadence irréversible comme pour les individus. Mais quelques-unes de ces solutions impliqueraient qu’on puisse remettre en cause certains préjugés, qu’on puisse rompre avec certaines routines instaurées un beau jour et trop longtemps reproduites sans nouvelle réflexion. Cette démarche ordinaire de correction de trajectoire peut être mise en oeuvre si les préjugés et les routines en question ont le statut de simples opinions, comme c’est le cas dans les pays démocratiques normaux ; mais, s’ils ont été rigidifiés en mythes et en tabous, ils ne peuvent plus être changés ; ils continueront à orienter les mentalités et les comportements dans le même sens, si faux et utopique soit-il. Alors la société, aveuglée, ira dans le mur.
Il a mille fois raison, bien sûr : comment envisager l’avenir si on ne peut pas commencer par se représenter le réel, le présent, correctement ?
Sa conclusion est simple et limpide, je la partage telle quelle. Savoir qu’elle figure au programme de Zemmour me donne une raison de plus de voter pour lui :
« Article unique. Les lois du 1er juillet 1972, 13 juillet 1990, 21 mai 2001, 30 décembre 2004, ainsi que l’article R. 625-7 du Code pénal et l’article 475 du Code de prodécure pénale sont abrogés. »
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