Vincent Berthet, docteur en sciences cognitives, signe avec « L’erreur est humaine » un ouvrage clair et synthétique, assez complet, sur la rationalité humaine et ses limites. C’est une bonne introduction au domaine des sciences cognitives, par le prisme de l’économie comportementale. Il y partage un certain nombre de clefs de compréhension du cerveau humain, et recense notamment une bonne partie des biais cognitifs qui rendent notre rationalité tout à fait discutable, du moins limitée. Si le sujet des biais vous intéresse, je vous recommande aussi mon modeste article sur deux biais complexes : historicisme & polylogisme.
L’erreur est humaine : Biais, heuristiques et … statistiques
Les exemples, précis, clairs et nombreux permettent une lecture facile et une vraie plongée dans l’univers de ces biais, des heuristiques et des statistiques mal interprétées par notre cerveau. J’ai été content d’y trouver un passage sur les statistiques « Bayesienne« , et je crois qu’il serait bon que chacun intègre ces notions. Je ferai un post sur le sujet. S’appuyant sur les travaux de Kahneman (système 1 / système 2), j’ai été surpris de pas trouver de référence aux travaux d’Olivier Houdé, qui a pourtant élargi cette approche, et qui l’a vulgarisée dans un excellent Que Sais-je ? « Le raisonnement« .
Loin de condamner la rationalité, ce concept de « rationalité limitée » permet de replacer nos capacités cognitives dans une perspective évolutionniste. Si ces biais et raccourcis mentaux existent, c’est qu’ils ont une fonction adaptative, et qu’ils permettent dans un certain nombre de situations complexes, d’être efficaces. L’auteur revient donc sur des cas concrets où l’intuition et les heuristiques sont plus efficaces – donc plus rationnelles – que l’analyse complète — souvent impossible – de la situation.
Quelques limites
L’ouvrage aurait gagné en profondeur avec une mise en perspective philosophique et morale : montrer les limites éthiques à l’utilisation des nudges (techniques d’utilisation des biais cognitifs pour orienter le comportement) par les pouvoirs publics ou les entreprises, pour finalement les recommander en conclusion est un peu court. Vincent Berthet en parle ici en vidéo, si vous voulez en savoir plus.
De même, une vraie réflexion sur le sens de la rationalité aurait permis de mieux éclairer la discussion : que pourrait bien signifier que l’humain soit non rationnel ? Etre rationnel ne signifie pas être infaillible, mais capable de penser son rapport au réel (y compris à ses propres limites). Malgré ces quelques manques, l’ouvrage reste très utile. L’erreur est humaine, certes, mais mieux comprendre nos biais et limites permet de mieux penser. Et ainsi de ne pas persévérer dans l’erreur.
Errare humanum est, perseverare diabolicum.
NB : cette recension a d’abord été publié dans le magazine L’incorrect. Je les remercie de leur confiance.
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