On se console comme on peut : disons que cette année m’a permis d’apprendre. Mais elle m’a surtout conduit à ouvrir sur les yeux sur un certain nombre de réalités, dures, qu’un caractère optimiste comme le mien tenait soigneusement à l’écart de son champ cognitif. Vous me trouverez peut-être bien naïf d’avoir pu entretenir ces illusions jusqu’à un âge aussi avancé, et vous aurez raison. Mieux vaut tard que jamais ? Voici donc, dans le désordre, quelques fausses vérités qui ont volé en éclat.
Les élites et le bien commun
J’avoue que cette vérité avait déjà été fissurée depuis longtemps. Pierre Mari m’avait permis de mettre des mots en plus sur cette illusion. Les exemples sont – trop – nombreux. Les Gilets Jaunes molestés par le pouvoir. Les terroristes que l’on laisse courir sur notre sol, et infiltrer nos institutions. Ces mots dont on interdit l’usage, ce qui est une violence symbolique extrême. Il faut se rendre à l’évidence, cruelle. Une bonne partie de nos élites, dont nos dirigeants, n’est en rien intéressée par le sort de la France, ou par une quelconque forme de bien commun. Leur seule préoccupation : comment se maintenir en place pour exercer le pouvoir. Le pouvoir en tant que tel les intéresse beaucoup plus que leur peuple. La communication, les flots de communication, leur sert de levier de manipulation, quitte à dire l’inverse d’un jour à l’autre. Peu importe. Seul compte le pouvoir.
Noam Chomsky (1928 – ) linguiste américain
C’est le mot ennemi qui est dur à accepter dans cette phrase. Cette année m’a fait prendre conscience que c’est malheureusement souvent vrai, notamment en ce qui concerne les dirigeants et les médias. Pour l’auto-défense intellectuelle, il y a des cours, et des routines à mettre en place. Cela ne change pas la dure réalité. Les élites sont obsédées par le pouvoir. Jusqu’à l’exercer de manière absurde : qui n’a pas avec l’année passée de nombreux exemples de « l’absurdistan » dans lequel nous sommes rentrés ?
Le peuple et la liberté
J’avais en tête, et je l’ai écris, et j’y ai cru, que le peuple français avait des ressources, et des réserves d’énergie, pour défendre cette sacrée liberté qui figure en tête de notre devise. Force est de constater que non. Dans leur grande majorité, les français sont devenus un peuple de mouton, très politiquement correct, et surtout soucieux de rester bien conforme et socialement irréprochable. Les masques dans la rue, ou sur le nez des enfants en sont le symbole, mais il y a de multiples autres exemples plus graves : les attaques au couteau journalière, le vandalisme, la tolérance à l’égard de l’intolérable. Tout cela devrait mettre les gens dans la rue, mais non. A minima faire basculer les élections. Mais non. Bien sûr il y a des résistants. Mais je pensais que le réveil des français viendrait en touchant le fond. Le fond est touché depuis longtemps, et nous ne rebondissons pas. Ou pas assez vite, pas assez fort, pas assez nombreux. La conformité – ne pas pouvoir être traité de « facho » – est devenu plus importante que la liberté ; et plus importante aussi que la raison.
Les gens et la vérité
J’avais en avril 2020 tiré quelques enseignements de la crise « COVID ». Je n’en retranche rien avec le temps. Mais, dans la durée, d’autres leçons, plus dures, ont fait leur apparition. Dans les échanges – nombreux! – que j’ai pu avoir sur le sujet, certains arguments reviennent souvent.
– vous êtes d’accord pour dire que le masque dans la rue ne sert à rien, tout de même ?
– oui, bien sûr !
– mais alors pourquoi est-il obligatoire de le porter depuis plus d’un an ?
– parce que les gens sont cons, pas nous bien sûr, mais pour certains il faut rendre obligatoire dans la rue pour qu’ils pensent à le mettre en entrant dans les magasins…
Quelle étonnante manière d’afficher son sentiment de supériorité, et quelle horrible procédé consistant à faire des choses inutiles avec les autres pour s’abaisser soi-disant à leur niveau. Les gens sont cons, mais pas moi, et pas non plus le gouvernement (dont on sait par ailleurs à quel point il a accumulé des erreurs et les fautes) ?
Un autre argument revient souvent :
– il n’y a aucune preuve que les confinements servent à quoi que ce soit, alors qu’on connait les dégâts qu’ils causent, il faut donc arrêter avec cette folie de confiner des gens en bonne santé et peu fragiles…!
– Mais si ça ne sert à rien de confiner, pourquoi tout le monde l’a fait ?
– mais tout le monde ne l’a pas fait : regardes la Suède, regarde certains Etats des US, regarde certaines régions d’Espagne, etc..
– oui, mais ce n’est pas la même chose…
On est en pleine dissonance cognitive : il faut maintenir coûte que coûte l’idée que tout le monde l’a fait, c’est-à -dire que c’est la seule option. Alors que la peur et la panique suffisent à expliquer en partie ce qui s’est passé. Au début du moins. Il est irrationnel de croire que les humains sont purement rationnels. Depuis cet été, c’est un mélange de peur et de bêtise. Car nous avons appris depuis un certain nombre de choses.
Ce qui est choquant c’est la manque de capacité à revenir sur terre une fois passée la panique. Cela traduit deux choses à mon sens : un manque de travail d’information, et un grand besoin de conformité. Quelle tristesse ! Je pensais que mes compatriotes étaient des rebelles, un peu rétifs à l’ordre, gaulois, latins, et je me rends compte que, collectivement, nous ne sommes qu’une bande de petits moutons bien sages, prêts à se soumettre à n’importe quelle idiotie pourvu que cela nous permette de ne pas sortir du rang.
Jean-Dominique Michel en parle très bien son interview passionnante sur France Soir. A écouter.
Le réel et nous
Il y a une forme de perversité à continuer à ne pas voir le réel, un an après. Les gens détestent quand on dit que globalement la covid a fait à peu près le même nombre de morts que les grippes. C’est pourtant la stricte vérité, et ça ne veut pas dire qu’on s’en fout des morts, ça veut dire qu’on a sur-réagi. Il faut avoir l’humilité de le reconnaître. Ce manque de capacité à reconnaitre qu’on s’est trompé, traduit une grande peur de l’échec. On sait que le masque est inutile, mais aller contre ça c’est se signaler comme « politiquement incorrect ». C’est une forme de perversité : on sait que les masques ne servent à rien, mais on continue à les imposer alors qu’on connait leurs défauts. Pareil pour le confinement. Cette perversité est celle des idéologues que le réel n’intéresse pas. Et c’est pervers car cela conduit certains, dont je suis, à suivre des règles absurdes tout en les condamnant.
Voilà donc quelques vérités douloureuses qui ont volé en éclat depuis un an ou deux (tout n’est pas lié qu’au COVID). Les élites sont en partie malfaisantes. Les français ne sont pas si attachés que cela à leur liberté. Ni à la raison. « Winter is coming ». Cela m’a donné l’occasion de méditer, et de comprendre, la citation que mon frère Max m’avait passé il y a longtemps : on a beau vouloir se consoler, on n’y parvient pas toujours.
Ce que le temps apporte d’expérience ne vaut pas ce qu’il emporte d’illusions.
Jean Antoine Petit-Senn (1792 – 1870) poète d’origine Genevoise
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