Jean Raspail a écrit le roman Septentrion en 1979. C’est un roman étrange, mystérieux, et métaphysique. J’y ai retrouvé avec plaisir la plume incroyable de Jean Raspail (je ne connaissais que Le camp des saints). Il a un style puissant et simple, touchant sans jamais être mièvre, tendre et viril à la fois.
Le roman démarre avec des scènes très fortes : une partie de la population devient presqu’ahurie, par un phénomène inexpliqué, tandis que les différents canaux de communication se coupent. Un groupe de personnes, qui sont restées lucides, sentent le danger et décident de fuir à bord d’un train. Ce démarrage trompe le lecteur sur la nature du roman, car on n’entendra plus vraiment parler de tout cela par la suite : ce n’est que le contexte de départ. Un groupe de volontaires, constitué par les circonstances et le hasard, circule à bord d’un train. C’est une belle troupe, mêlant femmes et enfants, militaires, aventuriers, une prostituée, et un écrivain qui est le narrateur.
Le Septentrion, pays absurde ?
Au fur et à mesure de la lecture, nous comprenons que ce train sera le reste de leur vie. Le train et ses habitants deviennent une métaphore de la vie. L’issue est connue. Je n’en dis pas plus pour ne pas déflorer l’histoire. Le charme de ce livre ne tient pas à l’histoire, mais au style, et à ce qui arrive aux personnages. Leurs arrêts pendant le trajet, à différents endroits – villes abandonnées, rivières splendides, forêts pleine de mystères – sont les points d’accroches de ce périple absurde. Absurde au sens Camusien, bien sûr. Leur fuite aussi, et leur volonté de préserver ce qui fait leur identité et leur humanité, face à l’ennemi qui les pourchasse, structure le récit. Le rapport au mystère du narrateur n’est pas univoque, et il laisse une grande place à l’interprétation du lecteur. C’est ce qui fait de ce roman une très belle oeuvre métaphysique : très personnelle, émouvante et lyrique à certains moments, décrivant à la perfection ce qui fait la beauté de la vie, et son absurdité, elle laisse le lecteur, comme dans un tableau, contempler et attraper ce qui lui parlera le mieux. On n’est pas vraiment tenu en haleine, mais c’est un choix qui était le bon. Vous le verrez si vous lisez Septentrion, de Jean Raspail.
Il ne me reste qu’à courir lire L’anneau du pêcheur qui, d’après Jean Raspail, est son chef d’oeuvre.
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