J’avais proposé cet article pour le numéro spécial de l’Incorrect consacré au libéralisme, mais il a été refusé. Ce n’est pas grave, je le publie ici quand même. Je vous invite à lire leurs articles, je pense que j’y réagirai ici même. Mon article tentait une synthèse entre libéralisme et conservatisme.
Libéralisme
Le libéralisme est une philosophie qui place, comme son nom l’indique, la liberté comme une fin en soi. Pas n’importe quelle liberté : la liberté individuelle, avec des limites, et érigée en principe d’organisation de la société. Ce courant de pensée a émergé aux XVIIème et XVIIIème siècles en Occident, et a accompagné les « révolutions démocratiques »..
C’est une philosophie du droit naturel, c’est-à -dire reconnaissant à tout être humain, par sa nature même, des droits inaliénables : la liberté, la propriété de soi et du fruit de son travail, le droit à la vie, le droit de propriété et de jouir librement de ses biens, le droit d’échanger. Le droit naturel consiste en une universalité des droits (valables pour tout être humain), et une égalité devant la Loi (pour être juste, la Loi doit traiter chaque individu identiquement). Ce sont les principes, non discutables, des sociétés ouvertes. La société ouverte suppose la stricte observation de règles abstraites de juste conduite (formelles, universelles, évolutives) respectant ces droits naturels. Elle s’oppose à la société tribale. La garantie de ces droits inaliénables a permis l’extraordinaire développement du monde occidental : émergence d’institutions démocratiques et pluralistes, explosion des capacités d’échanges, de partage du savoir et de la technique.
Le libéralisme n’est pas apparu soudainement : il est le fruit, le prolongement et la synthèse de l’histoire occidentale : à la fois du passé gréco-romain, comme de la Révolution papale des XIème-XIIIème siècles, mettant la raison et le droit au service de l’éthique biblique. Le libéralisme est un humanisme chrétien.
Contre le progressisme hors-sol
Chacun des grands courants de pensée en politique – conservateurs, libéraux, progressistes – porte des idéaux et des travers. Le dialogue entre les trois courants est fécond s’il se base sur une éthique commune du débat critique et ouvert, placé sous le signe de la raison.
Les conservateurs, héritiers de ce qu’il y a de noble dans notre civilisation et nos traditions, contre la barbarie, soumettent parfois leur raison à des vérités révélées. Les libéraux, protecteurs de la liberté individuelle contre l’arbitraire et la coercition des pouvoirs, développent parfois une pensée trop abstraite, niant la réalité et l’influence des enracinements. Censés être les promoteurs de la belle idée de progrès, les progressistes nagent malheureusement depuis 30 ans en plein délire socialiste. Et comme ils ont pris l’ascendant philosophique, politique, et culturel, cela nuit à notre société. Trois dérives doivent être combattues, chacune portant atteinte au principe d’égalité devant la loi :
- Un égalitarisme forcené d’abord, qui confond égalité devant la Loi, et égalité de fait. La Loi n’est pas là pour corriger les inégalités, mais pour garantir les droits de chacun. ”Il y a toute les différences du monde entre traiter les gens de manière égale et tenter de les rendre égaux. La première est une condition pour une société libre alors que la seconde n’est qu’une nouvelle forme de servitude. » (Hayek)
- Un étatisme inexorable, ensuite, qui est le rejet de l’ordre spontané libre. L’état de Droit implique un Etat fort, intransigeant, avec des missions restreintes à la sécurité (extérieure et intérieure), et à l’application du Droit. L’État omniprésent provoque une inflation juridique, des réglementations et une fiscalité liberticides, une infantilisation des citoyens. L’omniprésence nécessite des moyens, trouvés par des prélèvements et un endettement massifs.
- Enfin, une politique d’immigration inconséquente, aveugle à la réalité des différences civilisationnelles, a conduit au communautarisme. Des zones entières du territoire ne sont plus, au sens propre, juridique, comme au sens symbolique, culturel, la France. Les civilisations non-occidentales ont vocation à rester minoritaires en France : on ne peut bâtir une société, et des règles justes, en faisant coexister des principes qui sont contradictoires. Tout citoyen français devrait vivre selon les coutumes et les Lois françaises, quelque soit sa condition, et son lieu d’habitation.
Au-delà de leurs différences, les conservateurs et les libéraux doivent donc s’allier contre la « folie » des progressistes porteurs de ces travers égalitaristes, étatistes et communautaristes.
L’âme de l’occident
Le joyau qui pourrait être au coeur de cette alliance, c’est le fait de penser chaque être humain à la fois comme une personne, et un individu :
- Une personne, avec sa singularité, ses aspirations, ses enracinements, sa spiritualité, ses choix,
- un individu ”gommé » de ces particularités, mais doté de droits inaliénables, assumant la responsabilité de ses actes, et traité comme les autres devant la Loi.
Cette distinction est à conserver à tout prix, car elle est la condition pour pouvoir imaginer « une vie bonne, avec et pour autrui, dans des institutions justes » (Ricoeur).
C’est l’esprit du libéralisme, et c’est l’âme de l’Occident.
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