Dans un article polémique, Philippe Silberzahn règle son compte à l’entreprise à mission. J’avais déjà abordé le sujet pour montrer que le sujet de la mission est en lien étroit avec les capacités d’innovation. Je trouve l’article un peu excessif, et j’aimerais ici poser quelques éléments de la discussion, pour éviter de jeter le bébé avec l’eau du bain.
Points d’accord
Quelques éléments que je partage avec Philippe Silberzahn :
- les politiciens ont une fâcheuse tendance à être comme des bouchons sur l’eau : tel le bouchon qui suit le mouvement des vagues (les évolutions de la société), le politicien a beau jeu d’entériner ces évolutions dans des textes de loi ou réglementation et de crier ensuite : « regardez ! je fais monter et descendre l’eau ». Bêtise crasse, ou simple volonté de se croire puissant, cela est proprement ridicule, et montre l’étendue du constructivisme ambiant. Les politiciens devraient apprendre ce qu’est l’ordre spontané dans une économie libre, cela leur permettrait peut-être de se cantonner à leur vrai rôle, qui est de garantir la sécurité et la Justice à leurs concitoyens.
- il est clair que les entreprises créent de la valeur pour le collectif, pour la société, et qu’elles n’ont pas attendus que cela leur soit demandé par un politicien pour le faire, que ce soit sous forme de RSE, ou de mission élargie inscrite dans les statuts
- le faible respect des droits de propriété dans une France très marxisante est un point d’énervement quotidien. Cette institution de la liberté qu’est la propriété est bafouée quotidiennement par nos lois et réglementations. En rajouter une couche est certainement une mauvaise idée
Points de désaccord
Quelques nuances que j’aimerais apporter, maintenant, au propos très dur de Philippe Silberzahn, pour éviter de jeter le bébé avec l’eau du bain. Le bébé, c’est l’entreprise à mission. L’eau du bain, c’est la récupération politicienne d’un mouvement existant. Depuis longtemps, un peu partout, et qui me semble un levier à la fois d’innovation et d’engagement. En espérant qu’au final les modifications du code civil ne seront qu’une ouverture, et pas une contrainte, il faut tout de même prendre conscience que le fait d’introduire dans les statuts d’une entreprise un objet plus large que le seul profit est un vrai levier.
- D’innovation : l’innovation se nourrit d’une mission large définie, qui permet de constamment revisiter l’offre, et la définition de ce qu’on appelle un client. Le « Job to be done » ne sert pas à autre chose. Définir la mission est une source de créativité.
- D’engagement : un des leviers de la motivation réside dans le sens et l’utilité de nos actions. Formuler collectivement dans le projet d’entreprise des aspirations plus larges que les activités actuelles ou historiques, c’est une très bonne manière de redonner du sens et de la motivation aux parties prenantes de l’entreprise.
Questions en suspens
Il reste donc plusieurs questions (beaucoup). Ratifier par la loi, par le truchement du code civil, une évolution déjà visible dans la société, est-ce une erreur ? Est-ce que cela conduira à des dérives, à des lourdeurs, ou est-ce que cela sera une opportunité pour les entreprises qui le feront ? Au-delà de cette « officialisation », le concept d’entreprise à mission est-il générateur de valeur ? d’opportunités ? D’innovation, d’engagement ?
Je conclue en confirmant qu’il s’agit là d’un vrai sujet, selon moi, et que loin d’être un piège à cons, l’entreprise à mission est un outil, pour les entreprises. Que cet outil soit récupéré par une classe politique en manque de vernis moral, c’est une chose. Qu’il faille lutter contre sa systématisation, c’est évident. Mais cela reste une belle manière de redonner aux entreprises un sens collectif qu’elles ont perdu dans l’esprit de certains. Jean-Dominique Senard, patron de Michelin, n’a pas attendu les politiciens pour avancer sur ce sujet. Il me semble avec des fruits plutôt intéressants. A débattre ?
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