Après avoir parlé de l’innovation en général, de la place de la fonction innovation dans l’entreprise, et des cadres conceptuels permettant d’articuler tout cela, venons-en à un sujet qui me tient à coeur, celui de la mission de l’entreprise. C’est un sujet important pour l’innovation, et c’est un sujet d’actualité. Le rapport Notat-Senard vient d’être présenté, et propose de modifier la définition juridique des entreprises en ajoutant la prise en compte des enjeux sociaux et environnementaux, en complément de la recherche de son intérêt propre. Ils évoquent également les entreprises à mission, qui pose au centre des débats la « raison d’être » des entreprises.
Start with Why
Il me semble qu’au coeur de ces discussions et de ces évolutions (déjà visibles dans plusieurs pays, et déjà théorisées), il y a la question du sens de l’action collective. Les humains aiment agir dans un cadre qui fait sens pour eux. Et c’est à ce prix qu’ils s’engagent vraiment dans leurs actions. J’avais trouvé très percutantes les conférences de Simon Sinek (associées à son livre Start With Why). En même temps que la définition des actions (what), des organisations (how), il est important de parler de la raison d’être, du sens de nos activités (why). C’est toujours utile et éclairant de définir les enjeux. Pourquoi travaillons-nous ? Dans quel but ? Bien sûr, il s’agit toujours de rendre service. Pourquoi nous levons-nous le matin pour aller au boulot ? pour gagner de quoi vivre, bien sûr. Mais souvent pour des objectifs un peu plus large, selon nos goûts et nos valeurs.
Transformation et mission
Ce sujet de la mission de l’entreprise est également au coeur de deux ouvrages importants. Reinventing Organizations, de Frédéric Laloux, et Refonder l’entreprise, de Blanche Segrestin et Armand Hatchuel. Je cite à dessein l’ouvrage de Segrestin, car les chercheurs du CGS de l’Ecole des mines, avec qui j’ai le plaisir de travailler, ont beaucoup oeuvré à théoriser et à structurer les connaissances sur ce sujet. Ils font partie des ouvrages très cités par le rapport Notat-Senard. Le livre de Laloux montre, vision et exemples à l’appui, que la transformation implique toujours une remise au coeur de l’activité de la mission de l’entreprise. J’avais gardé une trace de ce qui se raconte dans le livre de Laloux sous forme de trois caractéristiques de la transformation : organisation circulaire, ouverture et mission.
Je trouve ces trois axes éclairants pour expliciter ce qu’on appelle transformation.
Mission et innovation
Pourquoi ces thèmes de mission et de transformation me paraissent essentiels pour parler d’innovation ? J’avais explicité dans le schéma de l’article #2 en quoi la mission était au centre des discussions apportées par les fonctions innovation. Sans mission un peu « large » définie, pas de possibilité d’innovation. En tout cas, des innovations incrémentales uniquement. La mission de mon entreprise est de fabriquer des voitures ? ou de rendre service aux gens dans leur mobilité ? Dans le premier cas, je continue à fabriquer, de mieux en mieux, et de plus en plus efficacement, des voitures. Dans le second cas, il devient légitime d’aller explorer des services de mobilité, ou tout type de sujet qui alimente une réflexion plus large sur la mobilité en général. La mission est-elle de vendre le plus d’objets possible, ou de participer à construire une société, un monde désirables ? La mission ramène également dans le champ stratégique des entreprises un notion de morale, au sens noble du terme. Nos activités, pour faire sens, impliquent d’accepter de définir une mission qui nous engage, et qui contribue à nous engager. Au sein d’un monde où les enjeux sociaux et environnementaux sont dans le périmètre de réflexion et d’action.
Le prochain billet traitera de la créativité, et des méthodes de conception.
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