Et voilà, j’étais prêt : j’avais décidé de changer de métier. J’avais les arguments, je savais ce que je voulais, j’avais refait mon CV, j’avais même testé cela avec un entretien dans une autre boite. J’étais prêt à passer le cap, à me mettre debout et à dire : « je veux changer de métier ». Prêt à prendre la parole.
Prendre la parole c’est bien…
J’avais donc préparé une présentation (en gros, « Usage & outils pour améliorer la circulation de l’information »). Et je me suis lancé : un matin, je suis allé présenter cela à mon chef d’équipe. Le net, Google, les flux RSS, la communication décentralisée, etc. L’entreprise 2.0, en bref. Le pauvre ! Il ne savait pas vraiment quoi en faire : il s’occupait d’une équipe d’ingénieur de recherche et de techniciens dans le domaine des essais et des moteurs, et un de ses collaborateurs vient le voir pour lui dire 1) je m’emmerde dans mon boulot actuel et 2) je suis motivé pour changer de boulot, j’y travaille et tu peux donc considérer que tu viens de perdre une ressource. Il m’a donc proposé de présenter la même chose à mon N+2 et N+3. Rebelote : « c’est le boulot de la communication interne, ou de l’informatique. Toi, tu es ingénieur de recherche. Chacun son boulot ». Comment ne pas les comprendre ?
…avec les bonnes personnes, c’est mieux !
La communication, c’est échanger « la bonne info, avec la bonne personne, au bon moment. » Clairement, j’avais réussi à trouver le courage de m’exposer, et d’exposer mon envie de changer de job, mais j’avais adressé ce message aux mauvaises personnes. Non pas que ces personnes n’étaient pas aptes à comprendre l’intérêt de ce que je disais, ou à me supporter dans cette démarche, simplement par rapport à leurs fonctions dans l’entreprise, je ne parlais pas aux bonnes personnes. Que pouvaient-ils faire, si ce n’est me rediriger vers les RH ?
La communication, c’est échanger la bonne info, avec la bonne personne, au bon moment.
Je n’ai pas lâché l’affaire, et j’ai profité d’une entrevue avec mon directeur (N+3) sur un tout autre sujet, pour lui glisser les idées clefs de ma présentation, et lui dire avec conviction mon envie de faire bouger les choses. En apparence, cela n’a rien donné non plus (nous verrons par la suite que si). Et j’ai donc profité d’un déjeuner organisé par mon N+4 (le patron de la Recherche) avec des « jeunes » de sa direction pour retenter ma chance : à la fin du repas, il nous a dit « vous connaissez mon mail, si vous avez des propositions ou des suggestions… ». Il ne m’en fallait pas plus : le lendemain, je lui ai envoyé un long mail pour redire à peu près les mêmes choses. Et ça a marché : il m’a redirigé vers les responsables de la communication interne, à qui j’ai fait une présentation qui déchirait pas mal (j’avais entre temps visionné une super vidéo de Garr Reynolds chez Google, qui explique comment bien présenter avec un fil conducteur et beaucoup d’images). Quelques temps après, je me suis donc retrouvé (avec l’appui du N+3, vous suivez ?) dans un groupe de travail transverse, dont l’objectif était de proposer des solutions pour « optimiser les flux d’infos ». Et je vous raconterai cela prochainement.
Leçon n°4
Ce que je referais pareil : oser prendre la parole a certainement été ce que j’ai fait de mieux dans cette histoire. Peu importe que je ne l’ai pas fait directement aux bonnes personnes : j’ai mis ma peur de côté, et pour la première depuis plusieurs années, j’étais enfin en phase avec ce que j’étais, en train de parler de ce qui me motivait vraiment. C’est le seul moyen d’être bon, non : travailler sur des choses qui nous passionnent. Ce que je ferais différemment : il faut prendre la parole, c’est une chose, mais il faut le faire en s’adressant aux bonnes personnes. Si c’était à refaire, je me poserais quelques minutes pour réfléchir à la teneur de mon message, et pour savoir à qui ce message (et ses promesses) est le plus susceptible d’apporter quelque chose. A mon chef d’équipe, il ne faisait que retirer des forces. A mes directeurs, par contre, il donnait une opportunité de rapidement mettre en place des choses plus modernes (et ils en avaient besoin, ça je ne le savais pas à l’époque), et de mettre en avant leur direction. C’était eux les bonnes personnes. Et j’étais, du coup, la bonne personne pour eux.
Pensez deux fois avant de parler, et vous parlerez deux fois mieux. [Plutarque]
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