Citation #105

Les prétentions des organisateurs soulèvent une autre question, que je leur ai souvent adressée, et à  laquelle, que je sache, ils n’ont jamais répondu. Puisque les tendances naturelles de l’humanité sont assez mauvaises pour qu’on doive lui ôter sa liberté, comment se fait-il que les tendances des organisateurs soient bonnes ? Les Législateurs et leurs agents ne font-ils pas partie du genre humain ? Se croient-ils pétris d’un autre limon que le reste des hommes ? Ils disent que la société, abandonnée à  elle-même, court fatalement aux abîmes parce que ses instincts sont pervers. Ils prétendent l’arrêter sur cette pente et lui imprimer une meilleure direction. Ils ont donc reçu du ciel une intelligence et des vertus qui les placent en dehors et au-dessus de l’humanité ; qu’ils montrent leurs titres. Ils veulent être bergers, ils veulent que nous soyons troupeau. Cet arrangement présuppose en eux une supériorité de nature, dont nous avons bien le droit de demander la preuve préalable.
Remarquez que ce que je leur conteste, ce n’est pas le droit d’inventer des combinaisons sociales, de les propager, de les conseiller, de les expérimenter sur eux-mêmes, à  leurs frais et risques ; mais bien le droit de nous les imposer par l’intermédiaire de la Loi, c’est-à -dire des forces et des contributions publiques.

Frédéric Bastiat (1801-1850) économiste, homme politique, magistrat et penseur libéral français.


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Commentaires

  1. Avatar de Libertas

    Magnifique citation de La Loi :-) Une autre du même auteur, d’un autre ouvrage :
    « Communistes, vous voulez que les hommes, devenus frères, jouissent en commun des biens que la Providence leur a prodigués. Je prétends démontrer que la société actuelle n’a qu’à  conquérir la Liberté pour réaliser et dépasser vos voeux et vos espérances : car tout y est commun à  tous, à  la seule condition que chacun se donne la peine de recueillir les dons de Dieu, ce qui est bien naturel ; ou restitue librement cette peine à  ceux qui la prennent pour lui, ce qui est bien juste » (Frédéric Bastiat, Harmonies économiques, À la jeunesse française).

  2. Avatar de BLOmiG
    BLOmiG

    salut LIbertas !
    merci pour cette autre citation, tiré d’un très grand livre…c’est le premier que j’avais découvert sur le net. L’idée que tu présentes dans la citation est superbe, puissante. Mais l’accepter implique un saut conceptuel, ou une remise en cause profonde pour certains : il faut en effet pour la faire sienne avoir confiance dans l’être humain, et être un minimum optimiste. Ce sont là  des traits caractéristiques des penseurs libéraux – que je partage très profondément – mais qui sont bien loin d’être autant partagés que ce qu’il faudrait. Il y a certainement des raisons profondes, liées à  l’amour et à  l’attention que l’on a reçu. La pensée libérale est une morale et une philosophie de gens qui ont eu leur dose de bonheur, qui savent l’apprécier et le reconnaître. J’ai cette impression. Une part du travail pour « convaincre » les gens n’est possible que s’ils ont une certaine ouverture sur ces points (optimisme, confiance). Dur dur…
    à  bientà´t !

  3. Avatar de CV

    Merci à  Libertas pour la citation.
    Bastiat a parfaitement raison… sauf sur la question de l’appropriation des ressources naturelles.
    Il reconnait lui même du bout des lèvres qu’il y a un problème sur cette question dans ce texte :
    http://bastiat.org/fr/propriete_fonciere.html
    Les géolibertariens posent bien le problème selon moi : chacun est propriétaire des fruits de son travail mais les ressources naturelles sont à  tout le monde.
    Après, pour concilier les deux, bon courage.

  4. Avatar de Libertas

    Bon point sur le problème de la propriété foncière.
    Mais je pense qu’il ne se pose plus du tout en ces termes aujourd’hui :
    1. la part de l’agriculture dans l’économie est devenue minoritaire (<9% des échanges mondiaux, pour donner une indication)
    2. Georges Lane a une analyse intéressante du changement du rà´le de la propriété foncière aujourd’hui ici : http://blog.georgeslane.fr/post/2008/11/25/Du-caractere-atavique-de-quelques-idees-economiques
    La propriété foncière, dans une société libérale, est cessible, a un cours, peut être acquise par qui sera capable de la mettre en valeur, d’en tirer un revenu. Les SAFER sont plus choquantes que les inégalités dans la propriété foncière, qui ont reculé au fil des partages et des successions.
    3. On objectera la situation des pays pauvres, o๠l’agriculture représente encore une part importante de la richesse nationale, à  cause du sous-développement de l’industrie et des services. Mais dans la plupart de ces pays, le problème n’est pas celui de la propriété des terres, mais précisément l’absence de garantie de cette propriété, qui empêche de la faire fructifier. Cf. les analyses de Hernando de Soto sur la propriété dans le tiers monde : http://fr.wikipedia.org/wiki/Hernando_de_Soto_(économiste)

  5. Avatar de CV

    Merci pour ces infos.
    Mais je demeure convaincu que l’appropriation des ressources naturelles reste un problème (dont personne n’a trouvé la solution).

  6. Avatar de BLOmiG
    BLOmiG

    Je n’ai jamais vraiment pris la peine de réfléchir à  ce sujet -important- : la règle du « premier arrivé = propriétaire » ne suffit-elle pas ?
    Par ailleurs, je ne pense pas que la propriété collective puisse être une solution, puisque cela implique des responsabilités dilués ou inexistantes. Les réssources naturelles ne sont pas à  tout le monde : elles sont à  celui qui prend la peine de les récolter et des les transformer pour qu’elles soient utilisables. Le pétrole n’a aucune valeur à  10km sous terre. Il en a une une fois extrait, traité chimiquement. Cela c’est du travail, et cela définit assez bien la propriété du pétrole, non ?

  7. Avatar de CV

    >> la règle du ”premier arrivé = propriétaire » ne suffit-elle pas ?
    Dans ce cas il faut restituer l’ensemble des territoires des amériques aux quelques survivants des populations originelles.
    Mais c’est vrai que la propriété collective n’est pas la solution non plus.

  8. Avatar de BLOmiG
    BLOmiG

    Pas d’accord avec toi, CV. ON ne peut pas ré écrire le passé. Ce qui compte c’est de se mettre d’accord sur des règles justes, et conformes avec les idéaux libéraux : rejet de la contrainte et du vol, respect de la propriété. Ce n’est pas en allant déposséder les américains de ce qui est leur terre maintenant, que tu compenseras les atrocités que les premiers arrivants européens ont commises vis à  vis des indiens d’Amérique. On ne corrige pas une mauvaise action, par une autre dans l’autre sens.
    à  bientà´t !

  9. Avatar de CV

    Et leur droit de vivre peinard sous un tipi à  chasser le bison ?
    Dehors les étrangers ! L’amérique aux indiens (d’amérique) !

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