Chapitre premier : « Raison et évolution »
Le développement de l’optique évolutionniste
Il devint de plus en plus clair que la formation de types réguliers de relations humaines qui ne sont pas le but conscient d’actions humaines soulevait un problèmes qui nécessiterait le développement d’une théorie sociale systématique. La réponse à ce besoin fut fournie pendant la seconde moitié du XVIIIe siècle dans le domaine économique par les philosophes moralistes écossais, conduits par Adam Smith et Adam Ferguson, cependant que les conséquences à en tirer pour la théorie politique recevaient leurs magnifiques formulations du grand visionnaire Edmund Burke, encore que l’on chercherait vainement dans son oeuvre une théorie systématique.
Hayek s’emploie ensuite à dissiper certains malentendus à propos de la théorie évolutionniste.
Il y a d’abord la croyance erronée que c’est une conception empruntée à la biologie. Ce fut en réalité l’inverse, et si Charles Darwin a su appliquer avec succès à la biologie un concept qu’il avait largement reçu des sciences sociales, cela ne rend pas ce concept moins important dans le domaine où il avait pris naissance. C’est à l’occasion de la réflexion sur des formations sociales telles que le langage et la morale, le droit et la monnaie, qu’au cours du XVIIIe siècle les conceptions jumelles de l’évolution et de la formation spontanée d’un ordre furent enfin clairement formulées, fournissant ainsi à Darwin et ses contemporains des outils intellectuels qu’ils purent appliquer à l’évolution biologique. Ces philosophes moralistes du XVIIIe siècle et les écoles historiques du droit et du langage peuvent bien être nommés — comme certains des théoriciens du langage du XIXe se sont eux-mêmes qualifiés — des darwiniens avant Darwin.
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