Retour sur le principe de subsidiarité, souvent invoqué et source de pas mal de confusion. Les sociaux-démocrates le font partir d’en haut, et le confondent avec la décentralisation (le niveau le plus haut dans l’organisation de la société délègue une partie de ses pouvoirs), tandis que les libéraux le font partir de l’individu, et y voient le seul moyen de structurer la loi pour garantir la liberté individuelle. Pour les libéraux, la subsidiarité, c’est le principe selon lequel les individus délèguent une partie du pouvoir sur un organe collectif (public ou non).
J’ai reçu ma dernière commande : « L’homme Libre« , un livre d’hommage à Pascal Salin. Et, bien sûr, je n’ai pas pu m’empêcher de commencer à dévorer quelques chapitres. Dont un, clair et néanmoins fouillé[1. Il y revient notamment sur les racines étymologiques, historiques, et philosophiques du concept, en particulier sur sa proximité avec des textes du pape Pie XII, et avec le concept de personnalisme – cher à Koz], de Jean-Philippe Feldman[2. J’avais déjà fait suivre ici une tribune de Feldman sur le droit et la législation], traitant du principe de subsidiarité : « Subsidiarité et libéralisme ». Son article montre bien comment ce principe a été utilisé aussi bien par les sociaux-démocrates, que par les conservateurs ou les libéraux.
Il rappelle les distinctions et les nuances qu’il faut apporter à la définition du concept[3. distinctions que l’article de Wikipedia sur la subsidiarité ne fait pas du tout], pour éviter que cela ne devienne un fourre-tout. La subsidiarité comporte deux dimensions, et doit partir de l’individu pour être une notion pleinement libérale.
Subsidiarité : deux dimensions
Ce qu’il rappelait déjà dans une conférence sur la constitution européenne :
Pour un libéral, la subsidiarité a deux dimensions. La première, trop souvent oubliée, est la dimension horizontale : la subsidiarité c’est ce qui fait le partage entre la sphère de la puissance publique et la société civile. La deuxième, qui n’est qu’annexe, c’est la subsidiarité verticale : au sein de la puissance publique les décisions doivent être prises au plus près de l’individu.
La subsidiarité doit partir de l’individu
La subsidiarité doit partir de l’individu, comme le rappelle Jacques de Guénin :
L’homme libre et responsable, nous l’avons vu, cherche à s’associer à d’autres personnes pour satisfaire des objectifs qui dépassent ses seules capacités. Il fait ainsi partie de groupes, comme sa paroisse, son quartier, ou sa commune. Ces groupements peuvent à leur tour s’associer pour accomplir des objectifs encore plus ambitieux. Mais les groupes d’ordre supérieur ne doivent pas retirer aux groupes d’ordre inférieur (dont le plus petit est l’individu), ce que ces derniers peuvent accomplir eux-mêmes : c’est le fameux principe de subsidiarité. Pour le libéral, l’État lui-même devrait être une association d’ordre supérieur à laquelle les associations d’ordre inférieur, telles que les communes, délégueraient certains pouvoirs et certains moyens, selon le principe de subsidiarité. Mais nous vivons depuis toujours dans un schéma strictement inverse où l’État dispose de tous les pouvoirs et ne consent à déléguer quelques petits espaces de liberté aux citoyens que lorsque ceux-ci le lui arrachent.
Mathieu Laine et Jean-Philippe Feldman avait également insisté sur le caractère remontant de la subsidiarité dans un texte traitant du rejet de la constitution européenne paru sur le Québécois Libre :
Pour les libéraux, une constitution devrait tout d’abord avoir pour objet non pas tant d’agencer les pouvoirs que de limiter le Pouvoir. Synthèse ambiguë, la Constitution européenne encourage à l’inverse l’augmentation et la centralisation des pouvoirs. Au-delà des domaines de compétence exclusive de l’Union européenne, la liste des domaines de compétence partagée avec les États membres est en effet impressionnante : marché intérieur, environnement, protection des consommateurs, transports, etc. Les principes de subsidiarité et de proportionnalité sont certes consacrés, mais au lieu d’être remontante, au lieu de partir de l’individu pour remonter jusqu’à l’Union européenne, la subsidiarité, concept fondamentalement libéral, est ici descendante.
C’est toujours le même principe mis en avant par les libéraux : l’individu – les individus – doivent être le départ et la fin de tout système politique, sous peine de bafouer la liberté individuelle. Chose immorale, même sous des prétextes constructivistes prétendument « sociaux ». J’y souscris pleinement : et vous ?
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