Faire du pop-corn avec des téléphones portables, c’est possible ? Bien sûr que non. Un rapide tour des connaissances sur les effets des ondes des portables sur la santé montrent qu’ils sont sans effets connus. Ni sur les grains de maïs, ni sur nous. Pourtant des scientifiques de renom s’associent pour recommander de prendre des précautions. Recommandations bienveillantes, ou opération de communication intéressée ? Je penche pour la deuxième explication. La peur est un levier puissant.
Pourquoi ce billet ?
Tout a commencé chez Digiboy, qui faisait circuler une vidéo de gars qui font du pop-corn avec 4 téléphones portables. J’avais dit en commentaire qu’il s’agissait évidemment d’un truc pipeauté. Mon cousin m’avait aussi envoyé cette vidéo par mail. Ces vidéos ont en fait circulé partout. J’ai au passage découvert grâce à Authueil le très bon article de DirtyDenys qui remettait un peu d’ordre dans ce fatras.
J’avais répondu à mon cousin que si c’était possible de faire ça, mes couilles ressembleraient déjà à des raisins secs ! Hormis la grossièreté de mon propos, j’étais dans le vrai, bien sûr. Un peu de bon sens fait songer qu’il faut des centaines de Watt pour cuire du pop-corn dans un four micro-ondes ; et que la puissance moyenne d’un portable est de l’ordre du Watt. Il y a donc un rapport de 100 à 1000 entre la puissance nécessaire pour faire du pop-corn, et celle émise par 4 portables. Même si l’énergie restait dans les grains de maïs le temps de l’opération (ce qui n’est pas le cas), il faudrait donc … plusieurs heures (ou jours) pour faire du pop-corn avec des portables !
Il s’agissait d’une vidéo de promotion virale pour … fabricant d’oreillettes Bluetooth, qui a d’ailleurs dévoilé le pot aux roses peu après.
L’état des connaissances
S’il n’est pas possible de faire du pop-corn avec des portables, les gens sont par contre convaincus que le portable est dangereux pour la santé. J’ai donc eu envie d’aller faire ma petite bibliographie pour en avoir le coeur net, et faire un petit état de l’art des connaissances à ce sujet.
Une étude de l’OMS donne la conclusion suivante :
C’est clair, non ? Dans le dossier sur ce sujet réalisé par L’internaute, on peut également voir ceci :
L’état actuel des connaissances scientifiques ne justifie pas que l’on prenne des précautions particulières pour l’utilisation des téléphones mobiles. Etude de l’OMS
Voilà qui règle le sort des migraines et autres nausées soi-disant causées par les téléphones portables.
Le même dossier – écrit en janvier 2008 – conclut de la manière suivante :
Ce qui est finalement littéralement la même conclusion que celle de l’appel à la précaution des 20 chercheurs (dont le très connu David Servan-Schreiber) : les risques ne sont pas avérés, mais comme on ne peut pas prouver l’absence de risques, faisons attention. C’est très cohérent, et finalement cela semble inattaquable. Je pense que cet appel est une véritable connerie, et je vais vous dire pourquoi.
Obscurantisme, principe de précaution
D’un point de vue logique, d’abord : on ne pourra jamais prouver l’innocuité d’un produit vis-à -vis de la santé. Si on peut prouver l’aspect cancérigène de tel ou tel produit ou phénomène, pour telle L’échauffement provoqué est de l’ordre de quelques dixièmes de degrés. Vous prenez plus de risques en utilisant les transports en communs aux heures de pointes, qu’en téléphonant.ou telle dose, on ne peut pas prouver que quelque chose ne sera jamais mauvais. Cela conduit donc, en suivant le même raisonnement de précaution de principe, à utiliser le moins possible toute nouveauté, voire tout produit : je n’ai aucune preuve que les rayonnement émis par l’écran de mon PC ou de ma télé ne sont pas nocifs. Je coupe ? C’est le principe de précaution, poussé à l’extrême.
D’un point de vue des connaissances, ensuite. Les seuls effets connus pour l’instant des micro-ondes sur le corps humain sont un échauffement local des cellules de la peau :
C’est plus que clair : l’effet de votre portable est moindre que si vous restiez quelques minutes dans une pièce un peu surchauffée. Vous prenez plus de risques en utilisant les transports en communs aux heures de pointes, qu’en téléphonant. Avez-vous arrêté de prendre le métro ou le bus ? Malgré ces conclusions, l’esprit de précaution à tout prix conduit certains sites (pourtant sérieux – du moins je le croyais -) à écrire des choses comme cette recommandation :
Les adolescents de moins de 15 ans ne devraient pas avoir accès à un mobile. Cette règle élémentaire n’est pourtant pas ou peu respectée par les parents. L’adolescent est particulièrement vulnérable aux rayonnements électromagnétiques qui se fixent rapidement et durablement dans leur organisme.
Outre que cette recommandation est stupide au vu des connaissances actuelles, l’explication est fausse et mensongère. Les rayonnements électromagnétiques ne se fixent pas dans l’organisme, et encore moins de manière durable. N’importe quoi ! L’interaction entre un rayonnement et la matière se fait par transfert d’énergie entre l’onde et les atomes qui constituent la matière (ici, les molécules des cellules). Le transfert peut conduire à l’ionisation des molécules, à l’excitation, ou à l’augmentation de leurs vibrations (pour faire rapide). Dans le cas des micro-ondes, le principal effet (le seul identifié) est un transfert d’énergie entre les ondes et les molécules d’eau, dont l’énergie de vibration augmente. On chauffe les molécules d’eau. Cette énergie thermique se dissipe rapidement. On nage donc en plein obscurantisme, et il suffit de chercher quelques minutes sur le oueb pour voir que les croyances de toute sorte ne manquent pas de vitalité, et que les sophismes vont bon train :
Il n’y a aujourd’hui pas de conclusion définitive sur le lien direct entre CEM non ionisant et l’apparition de maladies graves. Cependant, une quantité très importante de faits scientifiques et cliniques laisse entendre qu’il existe une relation entre CEM et cancer…
Ou comment dire une chose et son contraire dans la même conclusion…
Economie de la santé
Un dernier point, important également. Si l’appel de DSS et de ses collègues peut paraitre raisonnable (qui peut s’opposer à ce qu’on prenne des précautions, dans le doute ?), il montre un raisonnement fait en dehors de toute contrainte réelle, et en dehors de tout sens des priorités. Est-ce qu’il est plus urgent de faire des recherches pour déceler d’hypothétiques effets non-thermiques des micro-ondes sur le corps humains, ou est-ce qu’il vaut mieux aider à Est-ce qu’il est plus urgent de faire des recherches pour déceler d’hypothétiques effets non-thermiques des micro-ondes sur le corps humains, ou est-ce qu’il vaut mieux aider à contrer les carences en vitamine A et en Zinc de l’alimentation des pays pauvres ?
contrer les carences en vitamine A et en Zinc de l’alimentation des pays pauvres ? Est-ce que l’on aide plus la population en finançant des recherches sur la téléphonie mobile, ou en finançant des associations qui aident les enfants en difficulté ? Toute politique de santé publique implique des choix économiques guidé par le souci de l’efficacité, sauf à raisonner à budget non-constant.
Les chercheurs qui, même animés par de bons sentiments, orientent l’opinion publique vers des problèmes de seconde catégorie, non critiques, font preuve d’une étroitesse de vue surprenante ou – pire – défendent leur bout de gras en mettant un accent fort sur leur propre domaine de recherche. Quoi de mieux, pour récupérer des subventions pour ses recherches, que de mobiliser l’opinion publique sur un sujet donné, en faisant peur ?
La science permet de savoir ce que l’on sait ou pas. Elle est objective, et ne permet de savoir ce qu’il faut faire. Les recommandations normatives de ces chercheurs sont donc des prises de position politiques. Cherchez l’erreur !
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