Retour sur un article de Michel Rocard, paru le 06 mars 2008. Sous couvert d’un discours convenable et ouvert, on peut y lire un discours proche des vieilles rengaines anti-capitalistes de la gauche. Retour sur quelques points clefs de cet article, pour en disséquer un peu l’idéologie sous-jacente, et/ou le public visé…
Sous un air de soutien à Laurence Parisot, et au capitalisme…
Au moment de la crise de l’UIMM, des subprimes et de l’affaire Kerviel, Michel Rocard avait signé un article dans le Monde du 06 mars 2008, intitulé « Tous derrière Laurence Parisot » (le texte intégral peut se trouver sur Place de la République, ou sur Mes tas de trucs). Le propos était de soutenir Laurence Parisot dans sa lutte pour assainir l’UIMM et le patronat. La phrase de conclusion sonne juste, et parait difficilement critiquable :
Nous avons choisi la libre entreprise. Elle exige de bons patrons, respectables et intègres. Sans éthique forte, il n’y a plus de capitalisme.
Il se positionne comme un défenseur du capitalisme qui sombrerait sous l’immoralité. Evidemment, personne ne veut voir le capitalisme, « formidable machine à faire progresser le monde », sombrer sous l’immoralité.
J’aime bien Michel Rocard. Je pensais même à un moment qu’il pouvait incarner une forme de rupture au PS. J’ai donc été un peu gêné à la lecture de cet article, dont le propos n’est pas si clair que cela.
Pas mal de parti-pris, et de contre-vérités
Son article peut être résumé quelques points :
- Le capitalisme fonctionne bien sans règles, du moment qu’il a une éthique exigeante. Merci de le rappeler : c’est vrai de beaucoup d’activités humaines. Sans un minimum d’éthique, pas de fonctionnement juste.
- Ce scandale de l’UIMM se produit dans un contexte de crise bancaire mondiale, qui devrait nous mener à une récession mondiale. Michel Rocard explique que la crise est due à une nouvelle technique bancaire. Cela semble loin d’être avéré : certains expliquent la crise des subprimes par des lois foncières abusives : « Hausse des taux, Réglementation abusive du sol : le premier coupable de la formation, puis de l’éclatement de la bulle immobilière américaine n’est pas « le grand méchant marché » immobilier, mais les distorsions que les différents niveaux de puissance publique, fédérale et fédérées, lui ont infligé. »
- Les actionnaires sont les responsables des crises financières ; jusqu’en 1975, la capitalisme n’avait que peu ou pas connu de crises. Depuis le réveil de l’actionnariat, « la part des revenus directs et indirects du travail a perdu près de 10% dans le partage du PIB dans tous les pays développés au bénéfice du profit et non de l’impôt. » Ceci est la cause, selon Rocard, de la stagnation des salaires réels. Le problème, c’est que Michel Rocard oublie que sur le XXème siècle, le pouvoir d’achat des salariés a énormément augmenté grâce – notamment – au capitalisme. C’est un peu facile de prendre une tendance partielle, locale, et courte, et d’en tirer des conclusions générales sur le rôle de l’actionnariat. Il serait bon que Michel Rocard nous explique comment il détaille dans son analyse l’impact réel de l’actionnariat sur les salaires. Quelle grande entreprise sans actionnariat efficace ? Or les grandes entreprises créent des emplois un peu partout dans le monde, directement et indirectement : faut-il compter cela comme un dégât de l’actionnariat ?
Enoncés avec les mots de Besancenot
La rhétorique, quant à elle, n’est pas sans rappeler par moment les délicats propos nuancés d’Olivier Besancenot. Un petit florilège pour la route ?
[…]La rapacité bancaire s’est là débarrassée de tout scrupule découlant du fait que ses victimes étaient des êtres humains.[…]
Ne sourions pas de ce combat [de Laurence Parisot] sans merci interne à une catégorie de gens à laquelle nous n’appartenons pas : les riches. Le problème est que leur voracité menace le système lui-même dans lequel nous vivons.[…]
Etonnant, dans la bouche de Michel Rocard…
En filigrane : l’interventionnisme étatique, bien entendu !
Michel Rocard conclut finalement son article par un appel à la régulation étatique (« Sans éthique forte, il n’y a plus de capitalisme. Il va probablement devenir nécessaire que la règle publique y pourvoie. »), qui fait écho à une autre phrase qui en dit long :
Le capitalisme reconstruit d’après-guerre, parce que sérieusement régulé, a connu dans le monde développé une croissance régulière et rapide (5% par an), une absence complète de crises financières internationales et surtout le plein-emploi partout.
Maintenant tout est clair : c’est la règlementation et le contrôle par la puissance publique qui rend le capitalisme moral et efficace. Tout le contraire de l’éloge de la liberté d’entreprendre pourtant mise en exergue de son article par Rocard…
Je ne nie pas qu’il y ait eu des excès, et des abus commis par des personnes. Qu’il faille en déduire que le système « sombre sous l’immoralisme », et qu’il a besoin de plus de contrôle étatique me semble pour le moins discutable.
Qu’en pensez-vous ? Aviez-vous lu l’article de Michel Rocard au moment de sa publication ?
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