Retour sur le discours officiel de Michel Barnier concernant les « émeutes de la faim » : selon lui, ce sont les effets d’un « les effets d’un trop grand libéralisme qui a encouragé la spéculation ». C’est beau comme un meeting d’Olivier Besancenot. Sauf que Michel Barnier est Ministre de l’Agriculture et de la Pêche, et qu’il représente la France au Conseil européen des ministres de l’agriculture.
J’étais assez surpris (pour ne pas dire plus) d’entendre l’autre jour Michel Barnier à la radio expliquer les « émeutes de la faim » d’une manière particulièrement simpliste : c’était selon lui le fruit de la spéculation et du libéralisme. Il ne fait d’ailleurs que retranscrire par là l’idéologie ambiante. Entendre taper sur le dos de la spéculation est courant en France. Pour clarifier un peu les choses, il me semble utile de vérifier de quoi on parle, et du sens des mots que l’on utilise.
Définition de la spéculation
En allant sur Lexilogos, on trouve la définition suivante :
Spéculation :
- Opération financière, commerciale faite pour tirer profit des variations du marché. Activité et pratiques que constituent de telles opérations.
- Gén. péj. Action de miser sur quelque chose pour en tirer un profit, un avantage.
- Étude, recherche abstraite, théorique. Spéculation abstraite
Source : Entrée Spéculation de Lexilogos
Je laisse de côté le 3ème sens, qui n’est pas celui qui nous occupe ici. L’idéologie ambiante est bien précisée dans le dictionnaire : on attribue généralement un sens péjoratif au fait de miser sur quelque chose pour en tirer profit. C’est totalement ridicule, et absurde. Toute notre vie, nous spéculons. Quand nous achetons une voiture, quand nous épargnons de l’argent, quand nous choisissons de faire des études, il s’agit de spéculation. Le fait que la spéculation prenne place dans le domaine du commerce ou de la finance ne change rien au fond de cette activité intrinsèquement humaine.
Spéculation : activité humaine
L’entrée « Spéculation » de Wikipedia le précise bien :
La spéculation est une activité humaine consistant à imaginer, à anticiper les réactions et activités d’autrui, comme si nous étions à sa place, et à porter un regard sur notre propre activité, comme si nous étions un autre. C’est donc la mise en miroir (speculus). […]
Presque toutes les activités humaines sont spéculatives.
Il y est rappelé la vision de Milton Friedman, qui me semble basique et de bon sens :
[…] Le monétariste Milton Friedman estime que les spéculateurs gagnent sur les marchés seulement s’ils achètent lorsque les prix sont bas (en conséquence ils font monter les cours et contribuent à leur stabilité) et vendent quand les prix sont au plus haut (ce qui fait baisser les cours et joue un rôle stabilisateur). Les spéculateurs peuvent se tromper et agir a contretemps, mais ils ne peuvent le faire constamment sinon ils seraient rapidement ruinés et évincés du marché. *Seuls survivent les spéculateurs dont les interventions sont en moyenne stabilisantes, c’est-à -dire les spéculateurs avisés.*
Foutage de gueule démagogique
Alors, mettre sur le dos du libéralisme (qui prône le respect de la propriété et de la liberté individuelle) et de la spéculation tous les maux liés à l’augmentation de la demande en nourriture, c’est franchement se foutre de notre gueule. Et surfer sur des pseudo-dénonciations creuses, qui satisfont la fibre anti-capitaliste de certains électeurs, et de certains journalistes. Mais ça n’en constitue pas une solution à ce problème. Si la spéculation et le libéralisme sont responsables de ces désordres, il suffit donc de revenir à une économie planifiée pour résoudre ce problème. C’est ce que nous dit implicitement Michel Barnier. En 2008, ça fait un peu peur quand même.
A lire également : la réaction aux déclarations de Michel Barnier sur Libertas, et la dénonciation de l’idéologie anti-capitaliste sur Le Champ Libre.
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