Chapitre deux du bouquin de Pascal Salin. Distinction entre deux libéralismes non compatibles : le libéralisme humaniste, qui place le respect de la liberté des individus et de leur nature comme valeur suprême, et le libéralisme utilitariste qui est plus proche d’une forme de pragmatisme, et donc d’arbitraire. Intéressante distinction, essentielle, pour qui veut comprendre ce qu’est le libéralisme.
Dans le bouquin de Pascal Salin, « Libéralisme », le chapitre deux revient sur une distinction importante selon lui entre deux « types » de libéralisme : le libéralisme humaniste et le libéralisme utilitariste. Pour illustrer son propos, Pascal Salin utilise les idées mises en avant par Frédéric Bastiat, et celles défendues par Maurice Allais. Deux économistes libéraux français, l’un du 19ème siècle, l’autre du 20ème, et dont les oeuvres et la pensée diffèrent sur les principes de bases, et sur la méthodologie.
Valeur objective ou subjective
En gros, Bastiat part du principe que le bonheur individuel, la valeur que l’on accorde aux choses, n’est pas quelque chose d’objectivable. Il est subjectiviste dans son approche. Le principe de base des raisonnements de Bastiat consiste à dire qu’on doit seulement défendre la liberté des individus, et respecter le droit de propriété. Pour permettre à chaque individu de s’épanouir, il faut conserver cette liberté de rechercher son bonheur là où on le souhaite, du moment que l’on ne vient pas empiéter sur la liberté des autres. Toute organisation de la société qui vient bafouer la liberté des individus doit être regardée avec méfiance.
Allais, bien que libéral par inclination personnelle, part du principe que l’on peut mesurer la valeur, la rendre objective, et donc se livrer à de savants calculs dessus. Les politiques de redistribution des richesse lui paraissent donc légitimes. Il est donc libéral par goût personnel, mais finalement constructiviste dans les faits car il a une approche consistant à organiser la société. C’est donc un libéral utilitariste au sens où, selon ses propres valeurs, il met un peu de libéralisme là où cela lui semble bon, et un peu d’intervention étatique, et de constructivisme quand ça l’arrange.
Recherche de cohérence
Pascal Salin souligne que cette approche n’est pas cohérente par rapport à celle de Bastiat : Bastiat pose des principes non discutables de respect de la liberté et de la propriété, et en tire rigoureusement les conclusions. Il ne justifie aucune entorse à ce principe de base. Pascal Salin, dont la rigueur intellectuelle est limpide, pense – à juste titre à mon avis – que l’approche humaniste est la seule cohérente. Il rejette une forme de « pragmatisme » consistant à saupoudrer un peu de libéralisme par ci, un peu de constructivisme par là : le choix des domaines où l’Etat intervient ou pas (l’utilitarisme) est uniquement fonction des valeurs, des intérêts de celui qui parle, de celui qui décide, et est donc une forme évidente d’arbitraire.
Pour illustrer cela, voici un extrait d’une interview de Pascal Salin, où il redonne sa définition du libéralisme :
Je trouve cette distinction importante : si l’on place la liberté individuelle comme une valeur essentielle, et un respect de la nature humaine, alors ce qui va contre doit être dénoncé comme une négation de l’individu dans son essence.
Tout le débat qui vient ensuite est de préciser ce qu’on appelle liberté, et ce sera l’objet du prochain article consacré à cet extraordinaire livre. On y verra que la liberté ne peut être définie sans la notion de propriété. A bientôt !
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