C‘est assez rageant de constater que des intervenants dans des débats médiatisés, auréolés de leur statuts de spécialistes ou d’experts, viennent véhiculer des idées préconçues à la radio ou à la télé, sans recevoir de contradiction. J’ai entendu vendredi une émission portant sur l’obésité. Une sociologue était présente, et dont l’obésité est l’objet d’étude. Une explication qu’elle avançait souvent portait sur le fait que les comportements « déviants » par rapport à la bouffe se retrouvaient plus souvent dans les milieux défavorisés que dans les milieux aisés. Et elle en déduisait, sans que personne ne vienne tempérer cet avis, que le niveau de vie était une facteur important de l’obésité. Or, deux choses peuvent varier ensembles, sans pour autant que l’un soit la cause de l’autre. Et à aucun moment, les autres intervenants (qui étaient pourtant plus fins qu’elle), n’ont fait remarquer que le problème de l’obésité est un comportement face à la nourriture dont la cause est bien plus le manque d’éducation que le manque d’argent. Et il se trouve (oh, surprise !) que globalement les milieux aisés financièrement sont aussi ceux où l’éducation prend une place plus importante. L’idéologie véhiculée par l’explication purement financière est donc la suivante : c’est le manque d’argent qui cause une expression par la nourriture, une affirmation sociale par la consommation excessive pour combler un manque (sous-entendu, manque d’argent). C’est présenter l’argent comme un but, et non comme un moyen. Et c’est vouloir à tout prix éviter de dire que ceux qui laissent leurs enfants boire du coca devant la télé ou la console de jeux 5 heures par jour sont avant tout des « pauvres » éducationnels. Il est plus commode de les présenter comme des pauvres tout court : c’est de la faute du système, et de la société. Et ça évite d’aller regarder dans le détail, et d’insister sur la responsabilité parentale. Responsabilité, mot horrible !
L’écologiste de service présente sur le plateau avait d’ailleurs une autre explication, tout aussi réductrice et simplificatrice : la pression doit être mise sur les groupes agroalimentaires pour qu’ils produisent des produits moins gras, moins sucrés, etc. Les méchants groupes industriels se faisant leur beurre sur le dos des pauvres, voilà encore une belle explication. C’est-à -dire, au final, de la plus pure logique « diet » ou « light » : plutôt que d’apprendre à manger de manière rationnelle (pas entre les repas, pas d’excès de graisse et de sucres), on va se fabriquer de la bouffe fadasse pour pouvoir s’empiffrer toute la journée sans dommages (soi-disant). Bel exemple d’écologie, et d’arguments insupportablement creux.
Un argument simple suffit pourtant à renverser cette « théorie » : on trouve des obèses chez les riches, et des gens sachant gérer leur rapport à la bouffe chez les plus démunis. La richesse affective, l’éducation nutritionnelle expliquent – mieux que l’argent – le comportement sain vis-à -vis de la nourriture. Qu’une sociologue ne soit pas capable de mettre ces facteurs bien plus importants que l’aspect financier dans le coeur de son argumentation montre qu’elle souhaitait simplement faire passer un message idéologique, et non pas des résultats de recherche. L’argent, cause de tous les maux ? Je dirais plutôt l’absence d’éducation, quitte à simplifier…
L'argent fait-il maigrir ?
Commentaires
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Je vote pour l’absence d’éducation. La preuve, il y a plus d’obèses aux Etats-Unis que n’importe o๠ailleurs dans le monde. :D
(ce qui correspond aussi à l’américanisation de la société et à la perte de vitesse de notre système éducatif).
Au passage, on peut se demander s’il n’y a pas un sous-entendu/raccourci/allusion douteux de la par des sociologues assimilant niveau social et obésité dans la mesure ou dans certaines cultures (du sud), l’obésité était effectivement un signe ostentatoire de richesse… -
Ah qu’il est doux de lire ce texte « bas les masques n°2 ». Voila l’esprit critique qu’il faut développer. Voila un exemple flagrant de désinformation et, ce qui est très important, c’est que ce masque de la faiblesse du niveau de vie, exploité honteusement pour évoquer le manque d’éducation, est quotidiennement utilisé par les journalistes et autres experts pour faire passer leur idéologie sur tous les sujets. Ce masque fonctionne très bien pour le tabagisme et toutes les addictions, les accidents de voiture, ou les accidents domestiques. Bravo pour ce texte excellent: il ne reste plus qu’à trouver des études qui montre qu’une corrélation entre obésité et pauvreté n’est pas une relation de causalité. Mais ça, de toute façon, c’est incompréhensible par un journaliste dont la fonction est de faire du bruit. Et si le journalisme à la française n’était qu’un masque pour cacher les gros sabots d’une conviction imperméable à tout esprit critique?
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Il faut penser à la grille de programme de TF1 :
– lundi : information
– mardi : émission politique commentant l’information et permettant de « jeter un pavé dans la mare » (en fait, une provocation)
– mercredi : débat d’idées contre-argumentant la provocation avec d’autres provocations (il faut juste trouver des invités engagés et sans mesure, pas trop difficile donc)
– jeudi : le 20h parle d’une polémique nationale qui « aurait déclencher des réactions de la part du gouvernement x » (s’il y a des menaces d’une organisation terroriste, c’est encore mieux)
– vendredi : l’actualité de la semaine
– samedi (fin de soirée) : on parle de la polémique de la semaine entre intellectuels
– dimanche : alors, sujet traité au choix, en vidéo style video-gag ou par un humoriste -
salut Pap’,
merci pour ton commentaire !
oui : on retrouve cet argumentaire très souvent, et comme tu le soulignes, le mieux serait d’avoir le temps d’aller chercher les études qui montrent qu’on se fout de notre gueule !
Mais je pense que déjà , il faut garder son esprit critique. Et douter des arguments assénés comme des évidences à longueur de journée. Celui-là , l’objet de ce « Bas les masques n°2 », on l’entend tellement souvent que j’ai profité de cette occasion pour le développer. Tous les jours on pourrait se servir des émissions de radio, tv, et des journaux pour pondre un « bas les masques ! ».
Pour finir, une petite citation (j’aime ça!) :La première chose à faire, c’est prendre soin de votre cerveau. La deuxième est de vous extraire de tout ce système [d’endoctrinement]. Il vient alors un moment o๠ça devient un réflexe de lire la première page du L.A. Times en y recensant les mensonges et les distorsions, un réflexe de replacer tout cela dans une sorte de cadre rationnel. Pour y arriver, vous devez encore reconnaître que l’Etat, les corporations, les médias, et ainsi de suite vous considèrent comme un ennemi : vous devez donc apprendre à vous défendre. Si nous avions un vrai système d’éducation, on y donnerait des cours d’autodéfense intellectuelle. Noam Chomsky
Même si je remplacerais volontiers « auto-défense » par « esprit critique », je trouve ça assez juste. « Ennemi » également ne me plait pas trop, j’aurais plutà´t dit qu’ils défendent leurs intérêts, qui ne sont pas forcément les nà´tres, et que tout ça ne rapproche pas forcément de la vérité. Mais bon, dans l’esprit, c’est ça !
à bientà´t ! -
alakhnor,
Inutile de partir en Amérique du Sud pour trouver un symbole de réussite sociale en affichant un surpoids : dans la France du XIXième, chez les bourgeois tout simplement.
D'où les tableaux de nus de l'époque, ne montrant que des femmes bien en chair.
De nos jours et dans nos sociétés occidentales, il semble évident que cette obésité, qui s'accroit de façon inquiétante et rapide, est davantage le résultat d'une absence d'éducation, d'une démission des parents pour lesquels il est tellement plus simple et rapide de servir une pizza/coca à sa progéniture, confortablement installée devant la TV.
Mais nos braves sociologues, tous ou presque nourris au lait des descendants de 68, ont toujours du mal à mettre les comportements à risque des enfants sur le dos des parents.
Je me rends bien compte du caractère insupportablement conservateur de mon intervention, qui n'a d'égale que la traduction de ma pensée par LOmiG avec sa " responsabilité parentale" !!
Pouah ! Quelle ringardise ;-)
Il est évident aussi qu'il y a des souffrances psychologiques ou des raisons physiologiques à l'obésité, comme à l'anorexie d'ailleurs : mais le pourcentage de ces cas est minime et a toujours existé.
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Anne, quand je parlais du Sud, je ne pensais pas à l'Amérique, mais au Nord (de l'Afrique).
Sur l'aspect psychologique, considérer que les parents sont responsables du comportement des enfants n'est pas conservateur, au contraire (la position conservatrice, c'est considérer que les comportements découlent des gènes). C'est d'ailleurs, chez les psychologues, une "mode".
Il faudra d'ailleurs un certain retour pour que les parents puissent se sentir mieux, parce que là, on confond responsabilité et culpabilité (on n'est encore que dans des discours culpabilisants). Enfin, bref…
Tout ça pour dire que l'éducation joue le premier rôle, et que les media, encore une fois, sont loin de jouer le leur.
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alakhnor,
Excuses-moi pour la mauvaise interprétation géographique :-), mais comme tu faisais allusion aux USA je n'ai pas cherché plus loin.
Oui bien sûr pour la corrélation entre surpoids et signe d'appartenance à un niveau social élevé en Afrique du Nord.
En revanche, tu dis que la mode actuelle chez les psys est de considérer les comportements comme découlant principalement des gènes ?
Je ne sais pas…Mais alors, on ne pourrait culpabiliser les parents que sur l'hérédité qu'ils ont transmise ? Cela revient à les exclure de l'équation qui leur permettrait d'être des acteurs de la modification comportementale de leur progéniture !
Et si c'est exact, il est temps de changer de discours et de les responsabiliser en les culpabilisant pour leurs manquements éducatifs, bien plus ravageurs dans bien des domaines, et pas que sur les habitudes alimentaires.
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Non, tu as inversé le sens de ma phrase en ne considérant pas les parenthèses qui servent à sortir un propos de la ligne principale. La mode est bien à faire le lien entre comportement des enfants (y compris quand ils sont adultes) et acquis de l'éducation et de l'environnement famillial.
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Et bien alors si on responsabilise les parents en les culpabilisant sur leurs lacunes éducatives évidentes, pour moi c'est tant mieux, et nous sommes sur la bonne voie d'un redressement et d'un retour aux valeurs traditionnelles salutaire (surtout pour les jeunes, ce qui est l'essentiel)!
Quelque soient d'ailleurs les raisons du renoncement des parents : elles sont multiples, du "il est interdit d'interdire" qui a encore cours, aux difficultés de vie, au fait que les deux parents travaillent, que les familles sont de plus en plus décomposées puis recomposées, qu'on compte de plus en plus sur l'école pour pallier le manque éducatif à la maison etc etc…ce qui ne crée pas forcément l'environnement stable adéquat à l'épanouissement et surtout à l'équilibre.
Je précise que je ne porte aucun jugement de valeur !
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j’arrive bien tard dans ce débat.
Je souffre d’obésité et je suis plutà´t cultivée, mais pauvre : la pauvreté, ça veut dire pas de belles vacances sportives, pas de piscine tous les jours en été, ça veut dire des chaussures usées avec lesquelles marcher est un calvaire (surtout quand on est gros)…
ça veut dire personne pour garder les enfants…ça veut dire rester coincée à la maison quand on a un enfant en bas age surtout…ça veut dire pas d’accès aux soins de « remise en forme » (les cures ne jamais remboursées entièrement) ça veut dire des pà¢tes pour se caler au moins cher ! Et ça n’est pas une question ni d’éducation ni de QI !
La pauvreté est un piège dans lequel on tombe, l’obésité va avec souvent (c’est moins grave que l’alcoolisme ou la drogue) – ça permet de tenir le coup, au prix d’une sorte de destruction. L’obésité c’est une maladie de la nutrition, exactement comme l’anorexie (mais celle-ci est tellement plus « mode » et « chic » qu’on oublie qu’elles procèdent des mêmes ressorts…
J’ai perdu tellement de kilos que s’ils étaient additionnés j’aurais un poids négatif !
Etre pauvre pousse à la dépression aussi…
Alors, les jugements des petites bourgeoises m’agacent sérieusement…. -
salut Vieille dame,
merci pour ce commentaire, et pour avoir partagé ta situation avec autant de franchise.
Je comprends bien que l’obésité est une maladie de la nutrition (comme l’anorexie), et cela rejoint, il me semble, ce que je disais en fin d’article : c’est la richesse affective qui fait défaut dans l’environnement de la personne obèse, bien plus que la richesse financière…Es-tu d’accord ? -
c’est beaucoup plus complexe que ça.
Je me suis battue toute ma vie contre l’obésité. (première poussée à l’adolescence). A partir de 20 ans 55-60 kg jusqu’à 38 ans. J’ai arrêté de fumer à cette date, j’ai pris 5 kg, j’ai ensuite été enceinte : bilan 15 kg de plus. j’ai ensuite été toute seule avec ma fille petite : 20 kg de plus, je n’ai plus eu les moyens de m’acheter des chaussures correctes : 10 kg de plus, etc. etc…_ mais si l’histoire de chaque obèse est différente, son vécu social (condamnations « morales », jugement esthétiques cruels, etc…) est souvent le même. Manger un sandwich dans la rue est très difficile : on a droit à des réflexions…
La pauvreté affective est plus souvent secondaire par rapport au problème.
Et étant donnée la méchanceté de beaucoup de maigres, je ne crois pas que la pauvreté affective soit une condition suffisante pour devenir gros…
Ramener à un seul facteur, à une seule variable la condition humaine me semble de toute façon gravement réductrice. Même les médecins « classiques » commencent à se rendre compte que la maladie est au croisement de plusieurs variables : milieu, microbes, état général, état psychologique…Il faut cependant reconnaître que les pauvres (économiques) ont moins de chance pour lutter contre l’obésité une fois qu’elle est installée. (toutes les remises en forme, les cures sont inabordables, les psychothérapie aussi).
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Salut vieille dame, tu écris: « Même les médecins ”classiques » commencent à se rendre compte que la maladie est au croisement de plusieurs variables : milieu, microbes, état général, état psychologique… » Certes oui l’obésité est plurifactorielle mais je trouve suspect que ta phrése ne signale pas, parmi les « variables » l’alimentation trop importante. Veux tu l’oublier? veux tu nous faire croire que l’excès d’alimentation n’est pas la cause première du surpoids? On peut tout entendre, tout accepter mais sans jamais oublier que quand on ne mange pas on ne grossit pas. Bon courage.
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Chui désolée… mais les obèses disparaitront en France… parce que bientà´t, y’aura plus rien à bouffer… tout l’argent partira à rembourser des putains de conneries… et les français auront un facief hyper détonnant.. Style, je traverse le miroir….
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:shock: c’est intéressant, ça, taillardat…
je ne comprends rien de ce que tu racontes. Mais peut-être n’est ce pas le but de ton propos ?
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[…] cette propension des médias à vouloir tout expliquer par la pauvreté : les obèses sont obèses parce qu’ils n’ont pas d’argent, les malades sont malades parce qu’ils […]
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