Deux femmes voilées à qui l’on refuse l’accès à un gîte, une propriétaire viscéralement attaché à l’émancipation des femmes. Voilà l’affaire qui est jugée au tribunal d’Epinal en ce moment. « Fanny » a-t-elle eu raison d’exiger que le voile soit retiré dans les parties communes ? Horia Demiati a-t-elle raison de porter l’affaire devant les tribunaux pour défendre sa « liberté » ? Pas facile de se faire une idée : voici quelques élements de réflexions. J’aimerais avoir votre avis sur la question !
Je ne sais pas si vous avez suivi cette affaire, dont le procès a commencé hier au tribunal d’Epinal : l’affaire du gîte des vosges ou affaire « Fanny » Truchelut (de son vrai nom Yvette Truchelut). Rappel des faits : « Fanny » Truchelut est propriétaire d’un gîte, et a refusé de louer ce gite à deux femmes voilées. Elle leur a expliqué à l’époque qu’elles devraient enlever leur voile dans les parties communes du gîte. Les deux femmes ont refusé, et avec l’aide du journal L’Est Républicain, l’une d’elle, Horia Demiati, a porté l’affaire devant la justice.
J’écris ce petit billet sur l’affaire parce que je trouve qu’il est difficile de se faire une opinion sur ce sujet, et que j’aimerais en parler avec vous, en discuter, en débattre. Je présente donc rapidement des arguments qui me paraissent recevables, dans un sens comme dans l’autre. Un petit sondage en fin d’article vous permettra de vous prononcer…
Pour le port du voile
Bien sûr, l’attitude de « Fanny » Truchelut est une forme de discrimination. Au regard d’une tenue vestimentaire, elle a refusé un service à des personnes. Je pense qu’à sa place, je n’aurais pas réagi aussi fermement. J’aurais mis mes propres convictions de côté, et j’aurais laissé mes clientes entrer comme cela dans mon gîte. Pour se mettre à la place de la propriétaire du gîte, il convient tout de même d’aller lire sa version des faits.
Contre le port du voile
Dans le même esprit, j’aurais été à la place d’Horia Demiati, je crois que j’aurais enlevé mon voile pour ne pas faire de problèmes. L’affirmation forte de la religion me parait toujours excessive (puisque relevant de la sphère privée), même si elle ne s’exprime que par le biais de vêtements. Par ailleurs, et je trouve que c’est surtout cet argument qui est important, le voile reste un instrument (pour les islamistes) d’aliénation de la femme. Les voiles, burkhas, tchadors sont des instruments religieux anti-émancipation. Toute personne un tout petit peu attaché au statut d’égalité homme-femme, et à la laïcité, ne voit pas d’un très bon oeil la prolifération des voiles dans la rue. Même si, par tolérance, il en respecte l’utilisation pour des raisons de croyances personnelles. Mais personne n’est dupe, si ?
Statut du voile
Je suis donc en plein doute sur cette affaire : d’un côté j’arrive à comprendre que quelqu’un attaché à la cause des femmes, laïc, rejette viscéralement le voile. D’un autre côté, refuser l’accès du gîte à cause du voile est un acte de discrimination vestimentaire pas forcément justifié. Attention, on ne parle pas de racisme. « Fanny » Truchelut n’a, à aucun moment, refusé l’accès du gîte aux femmes voilées à cause de leur origine, ou de leur religion : c’est le voile qui était en cause, et uniquement le voile. Je pense que la justice devrait normalement condamner Fanny Truchelut ; la sentence recquise par le procureur de la république est de 6 mois avec sursit. Verdict le 09/10/2007.
Mais plusieurs éléments viennent perturber un peu ce tableau simpliste : le beau frère d’Horia Demiati, Nasser Demiati, milite pour le port du voile à l’école. La manière dont l’affaire a tout de suite été médiatisé, et judiciarisé, est un peu surprenante. Et je pense que c’est un peu dommage si ça se finit comme ça : en la jugeant coupable, on considérera qu’il est normal pour une musulmane de porter son voile partout, et ce message n’est pas très bon pour favoriser un islam modéré. L’Islam, ce n’est pas le voile. On peut être une bonne musulmane et ne pas porter le voile. Ce qui restera en tête après le verdict (s’il s’avère être tel que je l’imagine), c’est l’idée que « Fanny » est condamné pour racisme anti-musulman, et que donc Islam=Voile. Et puisque la justice condamne « Fanny », c’est qu’on ne peut pas critiquer un aspect de l’Islam. Je grossis, mais ce qui va ressortir, et ça évitera à nouveau de parler du fond, qui est rappelé par Michèle Vianès, présidente de Regards de Femmes :
Qu’en pensez-vous ?
En tout état de cause, je n’aimerais pas être à la place du juge, ça, c’est sûr. Et vous ? Que pensez-vous d’une telle histoire ? Quels arguments vous touchent le plus ? Les arguments de tolérance à l’égard d’une tenue vestimentaire religieuse, ou les arguments de fermeté à l’égard d’un signe ostentatoire d’aliénation des femmes ? C’est tout le débat du port du voile qui ressort. Je serais heureux de connaitre votre avis en commentaire !