A l’occasion de la sortie des Mémoires d’Alan Greenspan en librairie mercredi, Le Figaro lui consacre une interview. Je vous conseille d’aller la lire en entier, en voici un extrait (la réponse de Greenspan concernant les obstacles culturels à la croissance de la France) :
Les sondages sur la vision négative et le rejet par les Français de la libre concurrence m’ont beaucoup frappé. Le contraste avec les États-Unis est impressionnant en dépit de tout ce que nos deux pays ont en commun. Je cite Édouard Balladur qui estime que la libre concurrence, «c’est la loi de la jungle». En vérité, cette approche gouverne la politique française. Comme s’il y avait quelque chose d’antisocial dans la libre entreprise. En fait, pour assurer la croissance, il faut que le capital soit employé là où il est le plus productif et retiré des secteurs obsolescents. Or, à la fin du compte, seules des hausses de productivité assurent la progression du niveau de vie.
Pour en arriver là , il faut un processus efficient d’allocation de capital. Celui qui fonctionne le mieux est celui du marché libre. Naturellement, cette «destruction créative» est extrêmement pénible pour les individus qui sont du côté des perdants. Aux États-Unis nous avons accepté ce coût. Nous nous accommodons des pertes d’emplois et de la mobilité importante de la main-d’oeuvre que cela implique. Mais, à la différence de la France, nous avons un taux de chômage très bas.
Le problème principal que M. Sarkozy s’est engagé à traiter, de manière relativement indirecte, est celui de pouvoir licencier sans encourir des coûts élevés.
En France, supprimer des emplois revient cher. Aux États-Unis, non. Notre position est que s’il coûte cher de licencier, les entreprises vont hésiter à embaucher. Cela crée un niveau structurel de chômage élevé.
Aux États-Unis, notre productivité effective est supérieure. Je sais que la France affiche un taux de productivité horaire plus élevé que le nôtre. Mais c’est une illusion statistique liée à votre taux de chômage presque deux fois plus élevé. Si l’on intégrait des chômeurs dans le calcul, la productivité française dégringolerait.
En termes de revenu par habitant, le rang de la France dans le monde est passé de onzième en 1980 à vingt-cinquième en 2005. Le Royaume-Uni, au contraire, a grimpé. Je pense qu’en grande partie cela est dû à la manière dont la France appréhende la question de la libre concurrence et de la libre entreprise.
La France est bien sûr un pays capitaliste. Les droits de propriété y sont protégés. La règle de droit s’applique. J’admire la France pour beaucoup de raisons. Il est clair que votre histoire est plus longue que la nôtre. Ma femme adore Paris. Le Louvre est sans égal. Je comprends que les Français jugent que leur civilisation est supérieure à la nôtre. Mais notre forme de capitalisme brut n’est pas antisociale. Notre croissance extraordinaire a rendu possible des avancées importantes en matière d’éducation supérieure, en matière médicale, en matière de technologie, par exemple.
Eh oui, il est bon parfois d’entendre un discours simple et de bon sens !
Laisser un commentaire