Christian de Boissieu et Jean-Hervé Lorenzi, respectivement président du Conseil d’analyse économique et président du Cercle des économistes, rappellent quelques faits, et donnent leur analyse de la situation en France. Les voies de progrès et de croissance font consensus parmi les économistes : aider à la croissance des PME, favoriser les efforts de R&D, et libéraliser les services publics. Les freins sont politiques : le gouvernement doit avoir le courage de tenir ses engagements, et de mettre en oeuvre, contre les syndicats et les corporatismes, une réforme ambitieuse de la fonction publique.
Dans un excellent article appelant au bon sens en matière de politique économiqe, Christian de Boissieu et Jean-Hervé Lorenzi, respectivement président du Conseil d’analyse économique et président du Cercle des économistes, rappellent quelques faits, et donnent leur analyse de la situation en France. On peut subodorer que cette analyse représente effectivement un relatif consensus dans le monde des économistes, puisque co-rédigée par les responsables de deux groupes importants d’analystes économiques.
Je ne peux que vous conseiller d’aller le lire, et je ne peux pas m’empêcher de lancer la discussion sur les principaux points mis en avant dans cet article. Parce qu’un consensus entre économistes peut soulever des points assez peu consensuels au niveau politique.
Quelques faits
Quelques rappels factuels, concernant des questions d’actualité, ouvrent l’article :
- Miracle pour une fois, la grande majorité des économistes se retrouve sur le diagnostic et les recommandations ; et le gouvernement s’apprête à passer à la deuxième phase de son programme, organisée autour de l’exigence de compétitivité et de croissance, après la première, d’inspiration keynésienne, centrée, elle, sur le pouvoir d’achat et la demande.
- La faiblesse du Dollar pèse sur la compétitivité et les performances de l’Europe. Le nier, c’est pratiquer la méthode Coué. Inversement, on peut le reconnaître sans remettre en cause, à travers un débat qui isole la France de ses partenaires européens, l’indépendance ou le mandat de la BCE. Ce point n’est visiblement pas de l’avis de tout le monde, puisqu’un membre de l’Association Liberté Chérie, libérale, proposait de réfléchir à sa pure et simple suppression dans un article intéressant paru dans le Figaro.
- Il apparaît en effet, qu’au-delà du phénomène de globalisation générateur de solidarités financières fortes (sur les taux d’intérêt, la réévaluation du risque…), le cycle du logement n’est pas le même d’un pays à l’autre, y compris à l’intérieur du marché unique européen. Les turbulences en cours devraient chez nous, accélérer « l’atterrissage en douceur » du logement plutôt que de provoquer son recul, et la consommation trouvera là un facteur de résilience.
Preconisations des economistes
Après ces rappels factuels, ces deux économistes listent quelques actions indispensables et qui — également – font consensus chez les économistes :
Pour gagner le fameux point de croissance et aller à 3 %, il faut mettre en oeuvre une politique de l’offre, cumulant effets de court terme et mesures efficaces à moyen-long terme. Cela fait des années que nous n’investissons pas assez, ni dans les capacités de production, ni dans la production et la diffusion de la croissance. […] Or les voies et moyens d’une politique de compétitivité des entreprises ont été dégagés dès le début de la décennie, dans des rapports du Conseil d’analyse économique. Ils sont désormais bien identifiés sans qu’il y ait de vrais désaccords entre économistes.
Ils regroupent ces moyens de créer de la croissance en trois catégories :
- Ceux qui visent à faire croître les petites entreprises et à corriger les faiblesses françaises dans le développement de moyennes entreprises (Small Business Act, modulation de l’IS, promotion du capital-investissement…)
- Ceux, plus transversaux, touchant à l’innovation et la R & D (renforcement du crédit impôt-recherche, de la qualité de l’enseignement supérieur…), etc
- La libéralisation du marché des biens et services recèle aussi un potentiel de croissance, et la Commission Attali sur la « libération de la croissance » devra préciser ce point. Il s’agit désormais de mettre en musique ces voies et moyens dans le budget 2008 et par des textes complémentaires.
Necessaire rigueur budgetaire
La conclusion de l’article est sans appel concernant la rigueur budgétaire rendant possible une telle politique de l’offre.
La politique de l’offre compétitive souffre moins, en France, d’absence d’idées ou de pistes que d’un problème de choix, de hiérarchisation et de financement des mesures. C’est ce dernier point qui est le coeur des problèmes. Pour favoriser la R & D et la croissance des petites entreprises, une contrainte budgétaire forte s’impose : la France ne peut pas se permettre une détérioration de ses finances publiques alors qu’elle souhaite remplir, avec le projet de traité simplifié, un rôle décisif dans la relance politique et institutionnelle de l’Europe. Les incitations fiscales au coeur de la politique de l’offre doivent donc, impérativement, être compensées par une diminution des dépenses publiques actuelles.
Dire cela n’avance guère, tant cela a été évoqué et même un peu réalisé. Une politique d’offre échouera si elle ne s’appuie pas sur une vraie réorganisation de la production de biens et services publics. En réalité, c’est dans ce domaine que la volonté, la rigueur et l’imagination du politique doivent prioritairement s’exprimer. Mais là également, il y a en fait consensus.
Questions politiques
Si la réforme de la fonction publique, et plus généralement de l’organisation de la production des biens et services publics est prioritaire, et indispensable. Cela également fait consensus parmi les économistes. Quels sont les freins à une telle organisation ? On le sait, le constat est fait depuis longtemps : les corporatismes de tous bords tentent de conserver des situations figées, et ne défendant plus que des avantages acquis. L’intérêt général est perdu de vue depuis longtemps. La question est la suivante : le gouvernement, qui semble vouloir avancer avec tout le monde dans un pragmatisme de bon aloi, aura-t-il le cran pour mener ces réformes de la fonction publique ? Au vu des réductions d’effectifs de la fonction publique annoncées, on peut en douter : Nicolas Sarkozy avait annoncé le non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux dans la fonction publique. Au final, il semble qu’on s’achemine vers le chiffre d’un sur trois à fin 2008.
Espérons que tout cela n’est que le fait d’une stratégie pour éviter le conflit et commencer en douceur ; espérons que le rythme s’intensifiera pour que, simplement, les engagements de campagnes soient tenus. Pour ne pas en arriver à souhaiter une méthode plus brutale, mais plus efficace.
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