Absence de débat ?
Dernière ligne droite : le 22 avril prochain aura lieu le premier tour de l’élection présidentielle, et le 06 mai le second tour. On peut se plaindre du niveau de la campagne (par exemple là ), mais personnellement je trouve que les sujets de fond ont été abordés : emploi, dette publique, effectif de la fonction publique, immigration, identité nationale, politique industrielle, réforme de l’université et l’enseignement…quels sujets n’ont pas été abordés ? aucun! Pour autant, on a l’impression d’un manque ; ce manque se situe, à mon avis, au niveau du débat public : la télé a toujours le don de mettre le focus sur des sujets de manière assez arbitraire, et pas assez longtemps. A nous d’écouter la radio, de lire, de discuter. Ne comptons pas sur la télé pour faire vivre le débat : nous sommes tous des acteurs du débat, non ?
Missions du CSA
Je pense qu’en parallèle de ce constat (manque de débat à la télé), il faut voir le poids d’un institution incontournable en France : le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (à ne pas confondre avec l’institut de sondage CSA. Son rôle est bien défini sur le site – j’en ai extrait les points concernant de près ou de loin les élections présidentielles – :
Ce que fait le CSA :
- Le CSA nomme les présidents des télévisions et des radios publiques.
- Le CSA délivre des autorisations aux stations de radio MF et MA, aux télévisions locales, aux chaînes de télévisions diffusées par câble, par satellite, par internet, par ADSL, etc.
- Le CSA rend des avis au gouvernement sur les projets de loi et de décrets qui concernent l’audiovisuel.
- Le CSA gère et attribue les fréquences destinées à la radio et à la télévision.
- Le CSA veille au respect du pluralisme politique et syndical sur les antennes.
- Le CSA organise les campagnes officielles radiotélévisées des différentes élections (présidentielles, législatives, etc.).
- Le CSA s’assure du respect par tous les diffuseurs des lois et de la réglementation en vigueur.
- Le CSA peut sanctionner une station de radio ou une chaîne de télévision qui ne respecte pas la réglementation.
Ce que ne fait pas le CSA
- Le CSA n’est pas un organe de censure : il n’intervient jamais auprès d’une chaîne de télévision ou d’une station de radio avant la diffusion d’un programme.
- Même s’il est attentif aux réactions des téléspectateurs, le CSA ne peut pas, en raison de la liberté éditoriale dont disposent radios et télévisions, demander de rétablir une émission supprimée, de programmer plus ou moins de films ou d’émissions de variétés, de moins rediffuser certains programmes.
- Le CSA n’est pas responsable de la mise en oeuvre du droit de réponse à la radio et à la télévision. Toute personne désirant exercer ce droit doit directement s’adresser à la chaîne ou à la station ayant diffusé les propos incriminés.
Le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), autorité administrative indépendante créée par la loi du 17 janvier 1989, garantit en France l’exercice de la liberté de communication audiovisuelle dans les conditions définies par la loi du 30 septembre 1986 modifiée.
Voyons quels règles il a mis en place pour la couverture des élections présidentielles dans les médias.
Les règles fixées par le CSA
Voilà les règles fixées pour cette campagne présidentielle (source journal Le Figaro)
Le CSA a divisé le calendrier de la campagne en trois périodes.
La première, dite « préliminaire », a commencé le 1er décembre 2006 et durera jusqu’au 19 mars. La liste des candidats n’est pas encore connue. Les règles s’appliquent donc, selon le CSA, aux « candidats déclarés » et aux « candidats présumés ». Les premiers sont ceux qui ont « manifesté par des actes significatifs leur volonté de concourir », les seconds ceux qui « concentrent autour d’eux des soutiens publics et significatifs à leur candidature ».
À ces candidats, télévisions et radios doivent réserver un temps de parole et d’antenne « équitable ». Selon Dominique Baudis, président du CSA, l’accès aux antennes doit être « en rapport avec leur notoriété et leur influence, leur représentativité et leurs activités de campagne ». Le candidat de CPNT, par exemple, ne sera pas traité de la même façon que Sarkozy ou Royal. Les propos des candidats « investis de fonctions officielles » ne sont pris en compte « que s’ils excèdent manifestement le champ de compétences de ces fonctions et peuvent avoir un impact significatif sur le scrutin ».
Du 20 mars au 8 avril durera la période dite « intermédiaire » : les noms des candidats définitifs seront connus, mais la campagne officielle n’aura pas commencé. La règle de « l’équité » demeurera pour les « temps d’antenne » (comptes rendus, commentaires et présentations) et les soutiens des candidats. En revanche, les temps de parole des candidats devront être rigoureusement équivalents, respectant la règle de « l’égalité ».
Du 9 avril au 6 mai, s’écoulera le temps de la campagne proprement dite. Les temps de parole et d’antenne devront être les mêmes pour tous les candidats et ceux qui les soutiennent. Les chaînes devront aussi exposer les événements liés à l’élection « avec mesure et honnêteté » et de « ne défavoriser aucune candidature ». Pendant cette période aura lieu, en outre, les émissions officielles de la campagne sur les chaînes et stations de radio publiques.
Nous sommes donc actuellement, et depuis le 20 mars, dans le phase « intermédiaire » : le temps de parole des candidats (dont les noms sont maintenant connus) doit être rigoureusement identiques..
Il me semble que cela bloque tout de même un peu le débat…: si une rédaction veut organiser un débat avec Nicolas Sarkozy ou Ségolène Royal, il doit automatiquement en prévoir d’autres avec le même temps de parole pour la dizaine d’autres candidats…pas très pratique ! Comme il est impossible avec 12 candidats d’organiser un débat général (qui résoudrait le problème), le choix est difficile : ou bien on se met en porte-à -faux vis-à -vis du CSA, ou bien on monopolise son temps d’antenne avec des débats politiques…La solution la plus simple, encouragée par ce système donc, consiste à tout bonnement ne pas trop programmer de débats politiques avec les candidats…Drôle de logique, où pour garantir l’égalité, on diminue globalement le temps consacré à la politique…
Une voie de sortie ? Pour le débat et pour l’information factuelle
Une manière de sortir de cela consisterait à laisser les rédactions libres de programmer ce qui leur chante…! On pourrait objecter que cela ruinerait toute objectivité journalistique, et qu’on assisterait à des choses biaisées. Comme si ce n’était pas déjà le cas ! Je crois – au contraire – que de laisser les rédactions libres de leur choix permettrait de pointer un peu du doigt cette séparation que les médias ont tant de mal à faire : celle entre le journalisme factuel, et les opinions. La liberté laissée aux rédactions permettrait au CSA de quantifier le poids donné par chaque média à chaque candidat. Libre ensuite aux auditeurs de s’orienter vers les moyens d’informations qu’ils préfèrent. Pourquoi la presse écrite pourrait-elle développer une forte composante dite d’opinion, et pas la télévision ? Est-ce pour maintenir le dogme de l’égalité sur le plus gros et le plus suivis des médias ? Ce dogme a fini par produire l’inverse de son but initial : de garant de l’équité de représentation des diverses composantes politiques (ce qui est indispensable), le CSA est devenu l’instrument derrière lequel la télévision se donne bonne conscience à peu de frais : je respecte le temps de parole égal des candidats, je n’ai donc pas à me poser la question déontologique principale, à savoir trancher entre informations factuelles et opinions personnelles.
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