J’aime bien Nicolas Sarkozy. Je le trouve juste, plein d’énergie et capable de remettre pas mal de choses en bon ordre de marche s’il est élu. Et je l’ai trouvé convaincant lundi soir, dans l’émission qui le mettait face aux questions d’un « échantillon » de français…J’ai également apprécié sa lettre de soutien à Charlie Hebdo, dans l’affaire qui oppose le journal satirique aux abrutis extrémistes du CFCM…
Mais il y a certaines de ses réponses qui ne me satisfont pas. Lorsqu’une personne lui pose la question du manque de médecin dans les petits villages de campagne, Sarkozy répond … qu’il donnera des subventions aux médecins qui vont s’installer dans les régions « désertés »…réponse pleine de pragmatisme ? non : réponse imbibée de la logique habituelle de l’Etat providence. Pour conserver intacte l’illusion que la santé ne coûte rien, et que tout le monde y accède de la même manière (ce qui n’est pas vrai), on préserve le dogme de la consultation à prix fixe.
Pour surtout ne pas annoncer une libéralisation de la médecine (pourtant censée être déjà libérale), les efforts à fournir — payés par le contribuable, bien sûr – vont être les suivants :
- payer des fonctionnaires pour collecter l’impôts et les cotisations
- payer des fonctionnaires pour évaluer quelles zones doivent bénéficier de subventions, et pour distribuer les subventions aux médecins
- maintenir en continu la surveillance : si la mesure porte ses fruits, la répartition des médecins va changer, et il faudra régulièrement réévaluer quelles zones doivent ou non bénéficier des subventions
Que d’efforts pour essayer de reproduire, en moins bien, les effets qu’une libéralisation du service « médecine » auraient eus de manière naturelle et régulatrice. Pourquoi autant de méfiance vis-à -vis des effets régulateurs de la libre évolution de l’offre et de la demande ? Pourquoi ne pas comprendre que c’est le prix fixe de l’acte médical qui crée cette désertification : si je touche 20€ par consultation, je vais aller m’installer là où il y a le plus de clients possible, non ? c’est logique…
En effet, imaginons un instant (horreur!) que le prix de la consultation soit complètement libre : chaque médecin fixe le prix qui lui chante pour la consultation — ou n’importe quel acte médical, d’ailleurs. Qu’est-ce qui serait choquant à cela, d’ailleurs ? Est-ce que quelqu’un s’étonne que les prix des voitures ne soient pas tous identiques ? Est-ce que quelqu’un propose que les prix des appartements soient les mêmes quel que soit l’emplacement ? non, bien sûr. On va me répondre que la médecine n’est pas un produit, ou un service comme un autre ; je reviendrais là -dessus dans un prochain billet, mais notons dès à présent que si la médecine n’est pas un service comme un autre, il ne faut pas non plus vouloir la faire fonctionner à rebours de tous les mécanismes économiques connus, et qui sont sources de régulation. Par ailleurs, le fait d’être un produit différent des autres, ce dont je suis d’accord, n’impose pas pour autant que ce produit doivent avoir un prix unique partout et pour tous !
Continuons donc l’expérience de pensée : le prix des actes médicaux est librement fixé par les médecins. Les effets d’offre et de demande vont donc jouer :
- le médecin qui ira s’installer dans une zone de campagne un peu désertée fera payer plus cher sa consultation (ce qui est rare est cher)
- Il sera donc incité à s’installer là , puisque sa balance financière sera assurée : moins de clients, mais plus d’argent par client ; mais cette incitation ne coûtera pas un sou aux Français (sauf qui iront se faire soigner chez lui)
- Cela désengorgera les villes, saturées en médecin
- Cela permettra aussi, avantage important, aux bons médecins de faire payer la qualité de leurs services
On me dira : oui, mais alors, les pauvres gens qui habitent dans ce village vont payer plus cher que les autres ! oui, mais c’est déjà le cas : s’il n’y a pas de médecin dans leur village, il faut bien qu’ils payent leur essence pour aller en trouver un dans la ville voisine, non ? Par ailleurs, la régulation par le marché aura lieu : plusieurs médecins pourront avoir la même idée, et du fait de leur nombre, ils seront obligés d’ajuster au plus près le prix de la consultation pour garder leurs clients…
Pourquoi ne pas économiser alors tous ces coûts de fonctionnement de collecte de cotisations et de redistribution, alors que l’offre et la demande feraient le travail plus efficacement et de manière plus durable ? C’est être dogmatiquement anti-libéral. Je ne m’attendais franchement pas à une réponse comme celle-là de la part de Sarkozy.
Un souhait, et une remarque, en guise de conclusion :
- le souhait : que ce discours de Sarkozy soit purement d’ordre pragmatique, et de campagne, et qu’il sera — s’il est élu — plus libéral que ce qu’il peut se permettre de dire maintenant. C’est l’impression que j’avais eu en écoutant François Fillon. Nous verrons après les élections. Mais si on dit qu’on veut « tout dire avant, pour tout faire après », alors il faut aussi commencer le travail d’éducation économique des français, pour expliquer ce que le libéralisme a d’efficace.
- la remarque : libéraliser les prix des actes médicaux n’implique pas un manque de solidarité, au contraire ! Il faut bien entendu aider les plus nécessiteux à accéder aux soins. Mais je préfère que mes cotisations aillent à une aide directe et efficace d’accès aux soins, plutôt qu’à une sorte de redistribution généralisée – du saupoudrage – menant à une aide mal donnée, à une médecine de mauvaise qualité, et à une inflation du nombre de fonctionnaires.
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